Parapente vol bivouac au Maroc
Saute Montagnes : vol bivouac à travers l'Atlas marocainTraversée de l'Atlas en vol bivouac, par Damien Lacaze et Nicolas Pons, du 02 au 16 mai 2013La montagne et le parapente ont naturellement amené Damien et Nicolas vers le vol bivouac, aboutissement d’années d’expérience dans une discipline comme dans l’autre. Ils ont entrepris de traverser l’Atlas marocain d’ouest en est sur plus de 600 km avec uniquement leur parapentes et leurs jambes comme moyen de locomotion... Des paysages grandioses, des rencontres touchantes, des longues heures de marche, et des plafonds à plus de 5400m ! Un beau périple que nous raconte Damien... Texte : Damien Lacaze Maj octobre 2013 : Damien et Nico viennent de mettre en ligne un FILM sympa sur leur aventure ! NDLR : au sujet du vol bivouac : |
SAUTE MONTAGNES DANS L'ATLAS : C'EST PARTI !2 mai, 18h. Voilà 8 heures que nous marchons dans l’arrière-pays d’Agadir : nous stoppons. Nous recherchions d’abord un hypothétique décollage, puis, résignés, nous avons avancé sur une petite route en direction de l’est. Le matin-même nous étions les pieds dans l’eau sur la plage d’Agadir. Après un solide petit-déjeuner, nous sommes partis, remontés comme des pendules, pour tenter de traverser l’Atlas en vol bivouac en autonomie et sans assistance mécanique. Ce projet, nous le mûrissons depuis de nombreux mois, et c’est aujourd’hui qu’il démarre. Nous avons peine à le croire. Désormais, il n’appartient qu’à nous d’en faire une réussite. MARCHEAu total, 8 jours 100% marche, sur 14 de vol bivouac. Épuisant ! Entre 25 et 35 km par jour plus le dénivelé. Nous sommes partis peu entraînés… Dès le deuxième jour, ampoules monstrueuses, tendinites et maux de dos sont apparus. Ils sont vite devenus un calvaire, insupportable à la fin. Même les jours de vol, nous marchions pour trouver un décollage ou un lieu de bivouac entre 500 et 1200m de dénivelé. On ne le dira jamais assez, mais le choix des chaussures est vraiment très important. J’ai failli abandonner au quatrième jour à cause de pieds remplis d’une quinzaine d’ampoules. Nico, de son côté, n’avait rien ! CHALEUR HUMAINEIl est des gens comme de leur pays, lumineux et tranquilles, affichant un sourire et un regard pétillant comme un pied de nez à la rudesse de leur condition de vie. L’accueil légendaire du peuple Amazigh, littéralement « peuple libre » (Berbères) a bien des fois réchauffé nos âmes et nos cœurs après de longues journées de marche ou de grosses frayeurs en l’air. - Youssef et sa famille nomade vivant sous tente en laine de chameaux à 2800m avec brebis, chèvres, chameaux et rien d’autre. Ils nous ont offert l’hospitalité alors que nous cherchions un endroit pour bivouaquer. Moments aussi inattendus que dépaysants parmi cette famille vivant avec le strict nécessaire. Ce soir-là, un morceau de viande gros comme le creux de la main nous est servi comme un trésor. Mauvaise nuit sur sol dur et en pente dans leur tente, petit-déjeuner à la semoule mélangée au lait caillé de chèvre. Nous n’avions rien à donner en échange, ils se fichaient de nos dollars … VOLS6 jours de vol. Nous n’avons pas eu de chance avec la météo, particulièrement à la fin du séjour. Au matin du cinquième jour, le moral est remonté. Nous entrons dans la vallée du Souss (au nord de Taroudant) pour quitter définitivement la plaine stable et surchauffée d’Agadir. Encore 1200m de dénivelé et 15 km de marche pour trouver un décollage. 13h, c’est l’heure de notre premier vrai vol marocain. Pression pour ne pas faire un tas ! Prise de repères dans ces reliefs inconnus, arides et impressionnants. Les thermiques sont très larges, difficiles à noyauter avec des temps très longs entre deux cycles. Nous sommes enfin au-dessus de la crête et partons, à cheval, en direction de l’est. Notre premier 4000m, en enroulant de concert, est salué par des cris de joie. Enfin nous avançons. Plafond de la journée à 4300m. Nous finissons le vol dans un air calme du soir au-dessus des faces sud-ouest du Tizi n’Test. Quelques arabesques nous permettent de quitter ce doux ascenseur et de poser nos pieds au décollage du Tizi n’test (c’est un site de vol officiel), à 30m de l’auberge du même nom. Heureux d’avoir partagé un beau vol, d’avoir enfin avancé sans marcher et surtout heureux à l’idée d’un bon repas, d’une douche et d’une nuit enfin réparatrice. Toubkal Ce soir, nous bivouaquons à 2300m sur un petit plateau au pied du Toubkal, l’objectif du lendemain. Nous avons trouvé de l’eau en contrebas, une petite brise nous permet de jouer avec nos ailes. On est bien. Le lendemain, 700m de dénivelé pour atteindre le sommet voisin nous réveille tranquillement. Vers 13h, nous enroulons les premiers thermiques timides qui nous poussent doucement vers notre objectif. Décor minéral, vallées profondes, nous sommes intimidés. Premier plafond à 4400m pour moi, Nico n’a pas réussi à prendre le cycle. En l’attendant, je vais me poser sur le sommet voisin, le Djebel Ouanoukrim à 4080m. Le temps de redécoller, il est au plaf et c’est moi qui descends. Du coup, il se pose à son tour sur le même sommet. La spirale recommence ! Je suis à 4600 et Nico redécolle et descend 3500m. Nous sommes complètement à contre temps, la durée entre deux cycles nous fait perdre beaucoup de temps. Cette fois-ci, je l’attends. Bingo ! Nous faisons ensemble 4700m puis partons droit sur le Toubkal. Le lac Ifni est splendide, nous survolons le refuge et le sentier serpentant jusqu’au sommet. On hurle notre joie à qui veut l’entendre en refaisant 4600 à la verticale du sommet. À 15h30, nous nous résignons à quitter ces lieux magiques pour continuer notre route vers l’est poussés par 15 km/h d’ouest au plafond. La suite du vol est complexe, déroutante. Les reliefs sont très hauts (3800m voire plus) mais plats par moments. Nous tâchons d’avancer sur le fil de la crête, pas toujours facile. Il nous faut parfois choisir un côté en espérant que ce soit le bon. J’ai même dû me poser sur une crête trop plate à 3850m après avoir basculé du mauvais côté. 200m de marche épuisante, voile en boule, pour rejoindre l’autre côté et redécoller pendant que Nico m’attendait. Les plafonds sont de l’ordre de 4500m, mais vu la hauteur des reliefs, et les fonds de vallée à 2000m, on ne se sent vraiment pas haut. Après un dernier plafond dans un thermique relativement calme, nous poursuivons notre route légèrement poussés par un petit vent d’ouest. La crête devant nous monte doucement dans notre champ de vision. Plus nous descendons, plus nous devons contrer une dérive nord-ouest, bizarre… À 100m au-dessus des crêtes, à 3800, nous reculons ! Pas le temps de réfléchir, demi-tour et fuite sous le vent sur le versant sud. Après un gros vrac attendu (dû au passage du rouleau) nous dégringolons les 1800m de face à 70 km/h en serrant les fesses. Au fond de la vallée, c’est pire. Nous reculons dans une masse d’air en furie. Posé marche arrière, sous le vent d’une bute pour Nico, rouler-bouler, pas de bobo mais un sacré joker de brûlé. Le moral est un peu atteint. 15 minutes plus tard, les rafales atteignaient les 60-70 km/h. Nous comprendrons plus tard que ce phénomène n’est pas rare dans la région du Tizi n’Ticka. Ce sont les brises des versants nord-ouest qui prennent le dessus à partir de 14-15h et dégringolent les versants sud en accélérant. Le lendemain, tout était calme. Nous sommes remontés à pied sur le même versant, avons redécollé vers 12h et fait environ 40 km jusqu’à un joli plateau tout vert à 2800m près de Telouet. Posés à 15h avant que les brises ne forcissent. 150 km et 5400 sur le MGoun Après une nuit fraîche et peu reposante (comme toutes nos nuits sous tente), nous commençons par un petit plouf matinal pour atteindre une crête mieux orientée. 500m de déniv à pied et nous trouvons un décollage vers 3000m. Nous sommes au-dessus de Telouet, à 80 km du Mgoun. Le moral remonte et on se met en l’air. 4350m à la verticale du décollage. Aujourd’hui, après les déboires du Toubkal, on s’est promis de voler ensemble et de s’attendre pour ne pas perdre de temps en volant à contretemps. Ça paye, nous partons ensemble sur le relief suivant. Un thermique monstrueux nous propulse à 4700m en quelques tours, dommage nous n’avons qu’un vario solaire. J’aurais bien aimé connaître la valeur instantanée. Une magistrale frontale me rappelle que je suis sorti du thermique par son côté « sous le vent », elle me fait à peine lever la tête tellement nos petites Diamir réagissent bien. Nous ne les avons jamais prises en défaut. Derrière, les reliefs semblent plus complexes. Nous visons une grande combe sud-ouest qui, nous l’espérons, nous offrira le même thermique que précédemment. Au lieu de ça, c’est de la brise forte et des bulles toniques qui nous accueillent. Ici, le massif s’est élargi, il n’y a plus de ligne de crête bien démarquée délimitant les deux versants. Les reliefs sont plus bas, enchevêtrés suivant une logique qui nous échappe. Pas de vallée au fond, uniquement des ravins où alternent torrents de gros blocs et gorges étroites. Il n’y a pas de village à moins de deux jours de marche, ça ne monte pas. Cette partie du vol a été pour nous deux la plus complexe et la plus engagée que nous ayons jamais faite. Au bout de 30 kilomètres, les vallées se sont enfin rouvertes et les thermiques, les vrais, réapparus. Nous repassons enfin la barre des 4000m avec soulagement. Il est 16h, Nico me lance en radio un « On y va ! », il parle du Mgoun. C’est décidé, nous fonçons droit vers le sommet poussés par de l’ouest. Un thermique énorme, par sa taille, nous dépose sur la lune ! Nous explosons de joie en enroulant ensemble, et en passant chacun des caps mythiques : 4500, 4810, 5000 pour finalement terminer à 5430m ! Durant la préparation du voyage, les quelques récits de planeurs trouvés sur le net nous avaient mis l’eau à la bouche en parlant de plafonds hallucinants. Nous espérions tous deux, secrètement, atteindre les 5000m. Rien de plus merveilleux quand un rêve se réalise au-delà de vos espérances. Atteindre cette altitude durant un vol exceptionnel, avec un vrai copain qui enroule juste en face, ça ne s’explique pas. La pression amoindrie booste nos Diamir qui affichent des performances décuplées. Nous filons à 70 à l’heure droit vers le sommet. Commence alors une folle cavalcade sur les 30 kilomètres d’arête du Mgoun. Nous survolons le sommet 100m au dessus en faisant de grands gestes aux quelques randonneurs s’attardant sur le cairn sommital. L’objectif de la journée est atteint, je regarde le GPS il indique environ 55 km jusqu’aux gorges du Dades. Il est 16h45, on se dit qu’un « hold-up » est encore faisable, nous continuons. À 18h, nous sommes à 4200 dans un thermique qui s’essouffle, il reste environ 20 km pour arriver à l’entrée de la vallée du Dades avec un relief assez haut à passer. « Ça va être juste » mais nous n’avons pas le choix car il n’y a pas de village dans notre secteur. On s’avance, toujours poussés par de l’ouest. À 3700m, je me dis que ça va vraiment être limite. Quand… bip… bip… le bien nommé nous aiguille vers une ascendance d’abord faible, puis bien consistante au bout de quelques tours. Le thermique est tout doux, énorme, nous enroulons à la sellette. Et alors qu’on s’attendait à le quitter vers 4000m, nous nous retrouvons rapidement à 4600. L’ascendance ralentie, commence à bouger. On insiste un peu… et bing, ça repart à fond. Ce phénomène s’est produit sur tous nos gros plafs, un « point dur » entre 4000 et 4500m était présent, il fallait faire quelques tours un peu inconfortables avant que le thermique se réorganise. 5300m à 18h30 ! Le Dades est sous nos pieds. À perte de vue, s’étendent des montagnes aux allures de collines, aux ombres allongées par le soleil déjà bas sur l’horizon. Les couleurs s’embrasent. Une nouvelle fois, l’immensité de ces espaces est témoin de nos cris de joie. De si haut, le Dades n’est qu’une veine verte dans cet océan de rocailles. La suite n’est plus qu’une interminable glissade de 30 kilomètres à 75 à l’heure jusqu’au fond du Dades, les mains dans les poches, les yeux écarquillés et la bouche grande ouverte, émerveillés par tant de magie. Nous nous posons à Tilmi à 19h dans une brise forte de nord-est. 148 km à l’est de Telouet. Une cinquantaine de gamins nous accueillent à grands cris, il en sort de partout ! Nous plions nos voiles au milieu de cette euphorie générale. Un jeune sympa nous conduit dans une auberge 5 km plus loin. Il est 20h30, le gérant ouvre pour nous. Les 7 jours suivants ne seront plus volables, nous savourons d’autant plus ce vol qui restera à jamais tout en haut de notre tableau souvenir. BIVOUACS6 bivouacs tente au total. Certains magnifiques sur des plateaux perdus, verdoyants. D’autres, plus scabreux dans le lit d’un oued, ou sur un bord de route. Tous peu reposants physiquement, nous n’avions pas de tapis de sol. Si la voile isolait bien du froid et de l’humidité du sol, elle comblait beaucoup moins bien les irrégularités du terrain. Il nous est souvent arrivé qu’un Berbère nous amène le petit-déjeuner le matin ou qu’il s’arrête une minute pour échanger quelques regards et nous indiquer une source aussi proche que discrète. PARTICULARITES- Lors des premiers vols, on avait presque oublié qu’on était à 30° nord, contre 45 en France. Sous ces latitudes, le soleil monte très haut dans le ciel. Les faces qui donnent le mieux ne sont pas forcément les plus raides. Les versants NNO du massif donnent de très bons thermiques. Il est parfois difficile de choisir un côté quand on est à cheval sur la crête. REGRETS ?
Aucun ! QUELQUES CHIFFRES 14 jours de vol bivouac Matériel Merci à tous ceux qui ont contribué de près ou de loin à la réalisation de cette aventure ! Pour plus d’infos ou pour contacter Damien et Nico, voir le site de Saute Montagnes !
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