Pour découvrir l’Europe à pied, il faut y consacrer un petit bout de sa vie. Un an et demi d'itinérance, ce n’est pas rien. Samuel nous raconte son histoire très singulière à travers ce récit tout en délicatesse qui donne envie de lui emboîter le pas.
Marcher au très long cours, vivre dehors et me déplacer avec le strict nécessaire, parcourir ainsi les campagnes et les montagnes, traverser des pays entiers, faire de l’itinérance un quotidien, voilà un imaginaire aussi attirant que nébuleux qui a toujours alimenté mes rêveries. Lorsque je décide d’y consacrer une période de ma vie, je réalise que j’aurais très bien pu repousser éternellement l’aventure sans jamais la vivre, alors j’éprouve un soulagement heureux. L’idée de l’itinéraire me vient assez naturellement : attiré par les montagnes et ne prenant pas l’avion, je partirai de chez moi en France, vers l’est et en traversant les massifs de l’arc alpin et de la péninsule balkanique jusqu’à Istanbul. Mais voilà, pour des raisons mystérieuses, au moment d’entrer dans ce temps indéfini de liberté, je m’engouffre dans une lourde dépression anxieuse et passe une année d’errance, rêvant toujours en grand, mais incapable de faire le moindre choix dans les montagnes russes de ma santé mentale. Mon rêve me poursuit, m’obsède même, il me motive autant qu’il me pèse. Dans un tel état, parfois frôlant l’hospitalisation, s’obstiner à traverser l’Europe à pied semble mégalo et déraisonnable. Mais n’étant finalement capable de rien d’autre hormis regarder filer le temps, je finis par partir en février 2023. Ma seule contrainte est de traverser les Alpes ni trop tôt ni trop tard dans l’été (pour éviter la neige), alors une autre symbolique surgit en regardant la carte d’Europe : je partirai de Tarifa, ville la plus au sud de l’Europe continentale, et marcherai ainsi du détroit de Gibraltar jusqu’au détroit du Bosphore.