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Philosophie du voyage nature 9

blog et voyage

Stine - 24 avr. 2011
mis à jour le 29 avr. 2011
33 messages
Certains questionnements autour du blog de voyage me taraudent de plus en plus. Peut-être vais-je jeter un pavé dans la mare ....

Le recours de plus en plus fréquent au blog de celui ou celle qui va entreprendre un voyage, est une tendance croissante dans notre société, où la technologie des médias ne cesse de faire des prouesses de rapidité notamment.

Celui qui prépare son voyage sait qu'il va alimenter de jour en jour son blog, et l'organise autour de cette communication. Il prévient d'abord son entourage que chacune de ses péripéties seront racontées dans les détails, et disponibles sur la planète entière au jour le jour. Une fois parti(e) caméra sur le casque, micro à portée de main, ordinateur portable dans le sac à dos, il prend soin de rendre chaque événement compréhensible par son audimat : « alors maintenant, je suis ici, et je fais cela, c'est absolument génial (avec naturel s'il vous plaît), et je pense arriver là ce soir etc, etc... »

Je ne peux m'empêcher de penser que cette préoccupation permanente du blog pendant le voyage, obligatoire, car préparée, annoncée, et donc due à sa sphère de connaissances, dénature le sens du voyage.

Le but du voyage est -il de donner un spectacle aux autres, ou de recevoir le temps venu, les émotions des rencontres, des épreuves... en toute humilité ?
A-t-on besoin systématiquement du regard de l'autre pour voyager ?

Bien sûr me direz-vous, ce n'est pas complètement nouveau, et cela procèderait de la même démarche que celui qui prend des photos, puis écrit un livre à son retour. D'ailleurs, n'est-ce pas ce que font les auteurs des articles de Carnets d'Aventures (et j'en suis !) lorsqu'ils rédigent le récit de leur périple ?
Certes. La différence avec nos i-technologies réside dans le tout et tout de suite, l'instantanéïté
sans tri, sans recul, sans temps de pose.
Mettons les pieds dans le plat ; la tenue d'un blog ne serait-elle pas une aliénation, voire une dérive vers le narcissisme (« aujourd'hui j'ai fait ceci, j'ai fait cela.. »). Et pour le lecteur du blog l'addiction à www.monblog.com ne s'apparenterait-elle pas à de la consommation rapide, sous prétexte de voyager ?

Adepte de la mobilité douce, ce recours aux technologies dernier cri et championnes de rapidité, me paraît au fond un peu en contradiction avec les valeurs portées par Carnets d'Aventures, qui prôneraient plutôt la lenteur, le temps d'immersion, le temps de la mue du voyageur.

Je ne condamne pas en bloc l'utilisation de médias pour faire partager son voyage. Je crains simplement une dérive de l'utilisation des technologies qui risqueraient de nous faire un peu oublier que le voyage est d'abord une recherche personnelle, et peut se raconter plus tard, en laissant mûrir les choses.
Je ne souhaite pas non plus prendre de front les auteurs de blog ; il me semble simplement nécessaire de réfléchir sur le sens de la communication, avant de cautionner tout de go les derniers progrès (vraiment ?) de la technologie médiatique.

Sans rancune aux blogueurs..

Christine

grominet88 - 28 avr. 2011
49 messages
Ca peut aussi servir à faire profiter notre entourage de notre aventure. De leurs donner des nouvelles également en s'affranchissant du décalage horaire lorsque l'on est à l'autre bout de la planète.

Plécoptère - 29 avr. 2011
57 messages
Ca me rappel ce que j'avais lu dans "Transsibérie, le mythe sauvage". Vanier disait qu'à travers ses livres c'est le Grand Nord qu'il montrait tandis que la majorité des gens le voyaient lui : " Quand le sage montre le ciel, l'imbécile regarde le doigt".

La Nature est muette. Elle est la première concernée par les décisions destructrices que nous prenons mais elle est par son silence absente de nos débats. Tenir un blog ou un site ou publier des récits de voyage c'est devenir son médiateur, c'est lui donner une voix. En cela je pense que nous avons un rôle à jouer qui va bien au delà du narcissisme. Même si parfois il arrive qu'on puisse se laisser aller...

Maintenant une autre question qu'on peut se poser c'est celle de la quantité des informations disponibles en général. Elles saturent et sidère le psychisme finissant par le rendre amorphe. Un des mal de notre époque sans doute.

Stine - 29 avr. 2011
33 messages
Je te suis dans la notion de témoignage que nous pouvons, et parfois devons, apporter sur l'extérieur, l'Autre, la Nature, pas seulement sur les méfaits dont elle est victime, mais aussi sur son incroyable créativité. Les blogs, sites, livres, films sont des vecteurs de ces témoignages.

Mais la fascination suscitée par la facilité de manipulation, la rapidité, l'attraction visuelle (photos, vidéos...) de certains moyens de communication, peut devenir un piège.
Cette obsession de vouloir montrer, tout montrer, tous les jours, nuit à mon avis à la sérénité d'un voyage, où il faut parfois savoir attendre l'imprévu.... On assiste comme tu le dis à une avalanche d'informations, dont la qualité et l'intérêt réel peuvent parfois laisser à désirer. A quoi sert de regarder le ciel s'il n'y a pas d'étoiles ?

Je pense qu'à notre époque, il faut être très critique vis-à-vis de la technologie que l'on nous présente toujours comme un progrès ; cela ne veut pas dire l'ignorer, cela veut dire prendre un peu de recul, et réfléchir au sens des choses, en l'occurrence du reportage, avant de se lancer à corps perdu dans le jeu avec la technologie.

MichMich - 29 avr. 2011
113 messages
Bonjour,
N'y a-t-il pas chez certains auteur de ces blogs, au delà du témoignage qu'ils apportent, la recherche d'une obligation. Un peu comme quand on adhère à un club de peur de ne pas avoir la volonté de persister. Par contre je suis tout à fait d'accord avec vous, autant le récit d'un voyage peut être attrayant lorsqu'il y a matière à raconter; autant les pensées philosophique profondes, du style "je parle comme un livre mais résonne comme une peau de tambour crevé", qui n'ont pas grand chose à voir avec le voyage lassent très vite...

H3 - 30 avr. 2011
150 messages
Si la blogueuse ou le blogueur publie pour le plaisir ou pour toute autre raison,
si l'internaute lit par plaisir ou par intérêt,
alors seule subsiste l'interrogation quant aux ressources informatiques et énergétiques nécessaires à ce partage.
A chacun(e) de faire la part des choses...

Plécoptère - 09 mai 2011
57 messages
Stine a dit :

Certes. La différence avec nos i-technologies réside dans le tout et tout de suite, l'instantanéïté
sans tri, sans recul, sans temps de pose.

Et il n'y a pas que les i-technologies j'ai envie de dire : Je viens de tomber sur ce qu'a dit plus tard Jean Malaurie au sujet de la publication (rapide) de son livre "Les derniers rois de Thulé":

"Mais il était trop tôt sans doute pour que j’écrive le livre d’un peuple et je ne le savais pas. C’est avec le temps que j’ai compris qu’en vivant avec ses souvenirs, la focale s’allonge, la pensée se complexifie. La faiblesse des grands récits de voyage tient à la hâte de retenir la vivacité au détriment de la vie profonde."

Je trouve que c'est assez joliement dit. Mais après pour ce qui est de cette réfléxion, elle est tout à fait personnelle !

Grégoire - 09 mai 2011
mis à jour le 10 mai 2011
929 messages
Tout est dit, c'est pour cette raison qu'il faudrait penser un petit peu au lecteur. Beaucoup qui jugent ces nouveaux modes d'expressions sont des gobes mouches sans reculs et adeptes de la manière unique.
Chaque instant a sa valeur : l'imagination d'une idée, ses hypothèses, sa programmation, son action, son résultat. Ces nouveaux supports font transpirer l'humeur, l'impatience, la folie, la joie.... l'immédiateté de la réflexion avec ses éternels questions et changements de décisions par réflexion, opportunisme, par amour, conviction.... C'est vivant, partageur, ouvert sur autrui afin de dire et peut être obtenir un avis, une aide, un réconfort.
Vouloir que tout soit mis en forme a la mode littéraire réduit le champs de l'expression.
Il faut savoir apprécier cette diversité et la reconnaitre pour ne pas la confondre.
C'est un peu le grand débat d'aujourd'hui avec Facebook et les licenciements, et j'en passe beaucoup d'autres. Aujourd'hui, beaucoup savent que le net dit des choses et qu'elles ne sont pas forcément véridiques ou objectives. Cette prolifération d'avis qui remet en cause l'objectivité de l'information, qui remet en cause la bonne parole, ou plutôt le bien écrit qu'il fallait boire, croire et enseigner est dérangeante. La est peut être l'origine du problème. Car tout le monde sait, les paroles s'envolent mais les écrits restent. Cette logique "primaire" empêche bien souvent les idées d'avancer, se construire et se réajuster au fil du temps.

Je rajouterai qu'avant, il y avait un support on ne peut plus vivant. Plébiscité par tous. Les plus hauts dignitaires s'arrachaient ce nouveaux mode d'expression, en faisaient du mécénat. C'était fou, incroyable... ces artistes avaient osé revisiter la peinture ! Nous avons pu voir apparaitre tous ces courants différents a cette époque... cette frénésie. Aujourd'hui, on encense ceux qui ont su exprimer leurs émotions du moments, évoluer au fil des ans... prendre des tournants par douleurs, par joie... folies...etc

Tout est bon ! Tout a du bon ! C'est juste une question d'époque ;)

DanielMax - 26 avr. 2012
mis à jour le 07 août 2012
2 messages
Ces expériences de voyage aident beaucoup de gens s'informant sur leur destinations ...

familleneau - 27 avr. 2012
84 messages
Stine :


Je ne peux m'empêcher de penser que cette préoccupation permanente du blog pendant le voyage, obligatoire, car préparée, annoncée, et donc due à sa sphère de connaissances, dénature le sens du voyage.

Bien sûr me direz-vous, ce n'est pas complètement nouveau, et cela procèderait de la même démarche que celui qui prend des photos, puis écrit un livre à son retour. D'ailleurs, n'est-ce pas ce que font les auteurs des articles de Carnets d'Aventures (et j'en suis !) lorsqu'ils rédigent le récit de leur périple ?
Certes. La différence avec nos i-technologies réside dans le tout et tout de suite, l'instantanéïté
sans tri, sans recul, sans temps de pose.
Mettons les pieds dans le plat ; la tenue d'un blog ne serait-elle pas une aliénation, voire une dérive vers le narcissisme (« aujourd'hui j'ai fait ceci, j'ai fait cela.. »). Et pour le lecteur du blog l'addiction à www.monblog.com ne s'apparenterait-elle pas à de la consommation rapide, sous prétexte de voyager ?

Adepte de la mobilité douce, ce recours aux technologies dernier cri et championnes de rapidité, me paraît au fond un peu en contradiction avec les valeurs portées par Carnets d'Aventures, qui prôneraient plutôt la lenteur, le temps d'immersion, le temps de la mue du voyageur.

Je ne condamne pas en bloc l'utilisation de médias pour faire partager son voyage. Je crains simplement une dérive de l'utilisation des technologies qui risqueraient de nous faire un peu oublier que le voyage est d'abord une recherche personnelle, et peut se raconter plus tard, en laissant mûrir les choses.


Quand le site ou le blog des voyageurs sont alimentés quasiment quotidiennement, oui, cela peut devenir aliénant pour son rédacteur (il faut avoir l'ordi avec soi, le temps quotidien aux écritures et à l'envoi, la possibilité d'envoyer). Lorsque les sites et blogs sont alimentés occasionnellement, c'est bien différent. Il n'y a pas eu d'engagement avant le départ à écrire "tous les X jours", seulement celui d'écrire et de partager quand on a envie. Pour notre part, sur nos longs voyages, nous écrivons via notre site des "lettres d'infos" environ toutes les 3 semaines, le plus souvent quand on a terminé un "épisode de notre périple" (changement d'endroit, fin d'une rando, par exemple) qui coïncident avec notre retour dans une ville où il y a un cybercafé (n'emmenons pas d'ordi).

Je ne suis pas trop inquiète quant à l'avenir de ces sites/blogs des personnes qui pratiquent des sports en pleine nature. La priorité est vraiment ailleurs quand on est dans de telles contrées ! Le crayon et le carnet pour la prise de note quotidienne du journal de bord ont encore de beaux jours devant eux pour tous ceux qui pratiquent le voyage non motorisé.

Nous demeurons convaincus, pour le vivre, que ce partage est extraordinaire pour un tas de lecteurs qui ne voyagent pas du tout. Partager nos aventures c'est offrir une part de nos rêves accomplis aux gens, leur montrer qu'on peut réaliser ses rêves (la grande peur de beaucoup de gens), -qui sait ? - susciter des projets chez eux, leur faire découvrir des lieux et des hommes qu'ils ne connaîtront jamais ?

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