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Traversée du Népal à pied

(réalisé)
En 2018, je décide d'effectuer une césure dans mes études d'ingénieur pour réaliser un rêve, une première aventure de grande envergure. De Taplejung au Far West népalais, en suivant le sentier du Great Himalaya Trail (GHT), je traverse l'intégralité de l'Himalaya népalais en totale autonomie et accompagné de trois amis. En tout, cela donne 3 mois de marche mais surtout une immersion totale dans un Népal parfois très reculé à la rencontre de locaux qui vivent souvent en total décalage du reste du monde. 

Le Great Himalaya Trail est le nom donné à la trace qui traverse l'Himalaya du Bhoutan au Pakistan sur 5000 km. Au Népal, il existe une haute route, technique et en altitude et une route plus basse, la route culturelle, celle que nous avons décidé de suivre en 2018. Le compte rendu a été divisé en quatre sections principales. Bonne lecture ! 

Bande annonce du film : https://www.youtube.com/watch?v=WI-t785qpU4
Site internet pour en savoir plus sur le projet : https://400lieuessurlaterre.wordpress.com/
randonnée/trek
Quand : 20/09/18
Durée : 87 jours
Distance globale : 1344km
Dénivelées : +65614m / -66359m
Alti min/max : 378m/5578m
Carnet publié par jerem38 le 02 avr. 2020
modifié le 05 juin 2020
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Vue d'ensemble

Le topo : De Taplejung au Khumbu (mise à jour : 02 avr. 2020)

Distance section : 188km
Dénivelées section : +13374m / -12294m
Section Alti min/max : 378m/3651m

Description :

Finalement, le plus difficile dans cette section a été de nous rendre à Taplejung depuis Katmandou. Nous tombons en plein dans une grève des conducteurs et il nous faudra 3 jours pour effectuer ce trajet contre 24h en temps normal. La section est globalement en basse altitude (maximum 3500 m) et comporte un dénivelé important puisqu'il s'agit d'avancer vers l'Ouest perpendiculairement aux vallées qui descendent vers le sud. Il est donc courant d'enchainer 1500 m de négatif avec 1500 de positif dans la journée.

Cette section, à la végétation luxuriante, nous amène à traverser de nombreuses vallée encaissées. Malgré l’altitude raisonnable pour le Népal, ce début de trek est donc assez physique, avec un bon gros dénivelé ! Nous en aurons vu de toutes les couleurs : des premiers 8000 qui apparaissent à l’horizon à l’hostilité de la jungle tropicale en passant par les rencontres avec la population et la culture locale. Adieu douche chaude, adieu toilettes européennes, adieu desserts, dépaysement garantit !

En cette fin de mousson, nous sommes marqués par l’humidité ambiante, la chaleur étouffante (jusqu’à 35°C) et les petites averses qui ponctuent la journée ! C’est avec étonnement que nous nous retrouvons trempés dans l’impossibilité de faire sécher nos affaires. 

Milieu traversé :

Environnement : [montagne] Biotope : [forêt]

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Le compte-rendu : De Taplejung au Khumbu (mise à jour : 02 avr. 2020)

Taplejung – Dhoban 

 Cette première étape est marquée par une descente abrupte en fond de vallée. Nous rencontrons des conifères qui nous rappellent le Sud et Nino Ferrer. Sous une chaleur étouffante, nous zigzaguons au milieu des rizières sur des singles étroits qui disparaissent parfois, engloutis par une végétation verdoyante. Difficile pour Aubin et ses palmes (le gaillard fait du 47) pour qui cette marche ressemble plus à une séance de slackline. Il fera un petit tour au fond d’une rizière, certainement pour se rafraîchir ? Heureusement pour lui, sa formation de BNSSA lui a permis de s’en sortir. François, quant à lui, plutôt habitué aux températures montagnardes, sera pris de vertiges avant même la pause déjeuner.

Descente au milieu des rizières
Descente au milieu des rizières
Le soir, nous sommes très bien accueillis dans un lodge (hôtels le long des principaux axes – comprendre chemins -, utilisés par les nepalais, comme par exemple les porteurs, ou les trekkeurs) rustique qui annonce la couleur pour les prochains jours : toilettes turques, douche froide et matelas en bois. On s’en contentera !

Dhoban – Gorja 

Programme du jour : remonter ce qui a été descendu la veille sur le versant opposé ! Quand ce ne sont pas les rizières, nous progressons au cœur d’une forêt dense et humide. C’est l’occasion d’y découvrir ses habitants ! Comme par exemple des araignées noires et jaunes de la taille d’un poing, pendues sur leur toile. Le tout est accompagné par un fond musical généré par la biodiversité ambiante. À plusieurs reprises, nous avons eu à faire à un bruit s’apparentant à celui d’une ligne THT. En y regardant bien, nous avons aperçu de grosses cigales posées sur les troncs.

Araignée que nous croisons régulièrement dans la forêt
Araignée que nous croisons régulièrement dans la forêt
Au cours de la montée, nous sommes rejoins par un, puis deux, puis une dizaine d’enfants et notre marche s’apparente alors au sentier des écoliers. C’est l’occasion d’échanger avec le professeur, Tilokman, qui, comme eux, fait le trajet tout les matins munis de ses TTT (Tatanes Tous Terrains).


Gorja – Gupha Pokhari (+1200m/-300m)
Nous sommes réveillés pas le bruit de la pluie sur le toit en tôles. Ambiance terrible : la forêt tropicale est noyée dans un épais brouillard et le taux d’humidité doit atteindre les 80%. Nos habits en sont les premières victimes. Les affaires sèches la veille sont humides et celles humides sont trempées. Quelle sensation agréable que d’enfiler un T-shirt mouillé à 6h du matin.
Nous attaquons, dré dans le pentu, sur un sentier boueux, dans l’objectif d’atteindre Gupha Pokhari, petit village perché à 2980m d’altitude. Au bout d’une demi heure, c’est le drame.

Tiens c’est marrant, il y a les mêmes vers, qui se déplacent en mettant leurs fesses au niveau de la tête, que dans les WC d’hier soir.


Chacun regarde à ses pieds et nous découvrons avec stupeur des sangsues nous grimpant tantôt le long des chaussures, tantôt le long du pantalon, tantôt le long des bâtons. Plus tard ces malines se sont même mises à tomber des arbres ! Le reste de la journée sera ponctué par des pauses « Check sangsues ». Leur ultime stratégie a été de concentrer leurs charges sur Aubin lui faisant accélérer le pas. C’est donc plus rapidement que prévu que nous atteignons le col (La en Népalais) sous une pluie éparse.

Une rizière typique !
Une rizière typique !
Au milieu du brouillard apparaît enfin Gupha Pokhari. Nous nous réchauffons autour d’un thé et d’un feu de bois dans un homestay (chambres disponibles chez l’habitant) où les fromages au lait de yack sèchent pendus au plafond. À la vue de nos regards envieux, la gérante nous laisse y goûter.

Gupha Pokhari – Chitlang (-1600m/+300m)

Avec émerveillement, nous découvrons au réveil un spectacle que nous sommes venus chercher dans ces contrées reculées ! Alors que nous commençons à marcher, la brume se déchire et nous dévoile le Kangchenjunga (8586m) et le massif du Makalu (8485m). Ce dernier apparaît tel un iceberg, flottant sur la mer de nuage et tranche avec le ciel bleu. Heureux comme des gosses, nous entamons la longue descente vers la vallée suivante.
Nous traversons de nouveau la forêt (seulement trois sangsues répertoriées) et arrivons devant notre premier temple. Les locaux nous invitent à entrer et Jérémy aura la chance de faire tourner le moulin à prière.
Après quelques hésitations, nous décidons de poursuivre jusqu’à Chitlang. Notre effort sera récompensé par un accueil très chaleureux en réponse au
Ami laï tapaï co gare ma soutnou ?

phonétique de « Pouvons-nous dormir chez vous ? » tenté par Jérémy. Soirée conviviale autour d’échanges en anglais sur nos pays respectifs, de tours de magie et de riz au lait (Aubin content !). Premier dessert depuis Katmandou !

Chitlang – Chainpur (+200m/-300m)

Petite étape de 3h sur une route carrossable au cours de laquelle nous sommes accompagnés par un groupe de népalais pendant les deux premiers tiers, jusqu’à Pokhari qui marque notre véritable retour à la civilisation (jeeps, tuk-tuks, etc…).

Chainpur – Khadbari (+1100m/-1300m)

De cette étape, nous retiendrons des moments d’errance dans les rizières et la jungle ainsi qu’un calvaire dans la dernière montée vers Khadbari après 10h de marche.
Dans la première descente, nous prenons le mauvais chemin et nous nous retrouvons beaucoup trop au Nord. S’en suit une longue remontée dans la jungle qui nous vaut un détour de 2h environ. Coup dur au vu de la longueur de l’étape du jour… Comme cela ne suffisait pas, Jérémy glisse et tombe tête la première dans le canal d’irrigation des rizières. Petite éclaircie dans la tempête, un motard s’arrête à notre hauteur et nous offre… des bananes ! On en rêvait ! Nous voilà reboosté pour la longue portion de route carrossable qui nous attend.
À nouveau, il faut traverser une vallée. Dans la descente, nous nous égarons sous une chaleur insupportable. Les cartes népalaise sont vraiment mauvaises et imprécises. Pas le temps de s’arrêter manger au risque d’arriver après la nuit. Nous grignotons des biscuits sucrés en marchant et les premières défaillance se font sentir.
Coup fatal dans la remontée vers Khadbari et ses escaliers en pierre. La troupe arrive lessivée et vidée à la ville perchée. Heureusement un énorme dal bhat ainsi qu’une journée de repos bien méritée nous attendent !

Frais comme des gardons, requinqués par deux bonnes nuits dans un lit King size, remplis par deux énormes dal bhat, nous voilà repartis pour rejoindre d’un pas décidé la vallée de l’Everest et les hautes altitudes.
Pour cette deuxième semaine de trek, maintenant que la machine est lancée, changement de cadence ! Les journées de marche s’allongent (7 à 8h en moyenne), le dénivelé quotidien augmente (un bon millier de mètres positifs comme négatifs) et les distances s’étirent (des journées avoisinant les 20km) !
Au cours de cette portion, nous continuons de traverser les vallées à la perpendiculaires, mais qui sont cette fois-ci toujours plus encaissées. Par trois fois, nous remonterons à plus de 3000m (au maximum 3440m avec le Salpa Pass) après avoir traversé un torrent sur un pont suspendu 1500m en contrebas. Nous quittons petit à petit la moiteur de la jungle  pour retrouver la fraîcheur des montagnes (surtout la nuit !) et son brouillard qui couvre les crêtes. Pas de chance donc, aucun point de vue au rendez-vous… Nous pourrons seulement nous imprégner de l’ambiance hostile de ces cols encadrés d’arbres chargés de lichen.

Khadbari – Tabutar (+750m/-1150m)

Requinqués et propres comme des sous neufs, nous nous élançons dans la descente vers la vallée, au milieu de la forêt tropicale (histoire de changer des jours précédents), en direction de Baluwabesi. Une fois celle-ci atteinte, nous sommes surpris de nous trouver sur une plage de sable fin, parsemée de galets, en bordure d’une très large rivière, à une des altitudes les plus basses de notre traversée (environ 300m). Aubin est aux anges. Il se voit déjà muni de son mini short rouge, sifflet à la bouche, sur une plage vendéenne. Malheureusement pour lui, il est vite ramené à la réalité lorsqu’il trébuche sur une pierre glissante, en traversant une des jonctions de la rivière. C’est la chaussure mouillée, sous la chaleur accablante, qu’Aubin poursuivra la marche.



Aubin marchant sur la « plage »
Aubin marchant sur la « plage »
Nous atteignons finalement Baluwabesi plus tôt que prévu ! Nous repartons donc en direction de Gothe Bajar, petit village situé à 2 ou 3 heures (ou 4 ou 6 suivant l’interlocuteur).
C’est finalement aux alentours de 15h que nous arrivons à Tabutar, petit village précédent Gothe Bajar. Nous sommes très bien accueillis dans un lodge en bordure de rivière où nous n’hésiterons pas une seconde à aller y tremper nos mollets, voire plus pour Aubin et Jérémy qui s’y laveront.

Tabutar – Jaubari (+1800m/-200m)

Nous remontons la rivière pendant une bonne partie de la journée, parfois en rive droite, parfois en rive gauche et en passant de l’une à l’autre via de grandes passerelles himalayennes. Nous suivons ce qu’on appelle du « plat népalais ». Entendre ici des portions de plats entrecoupées de montées ou de descentes dré dans le pentu. La monotonie du profil est stoppée net à Salpa Phedi pour rejoindre Jaubari, village perché. Cette fois-ci, c’est une « montée à la nepalaise » qui se dresse devant nous : 400m de dénivelé ascendant pour 1,2km, soit une pente moyenne de 40%. De la pente et des marches qui nous ont fait suer jusqu’à tremper nos T-shirts (qui ne sèchent pas le soir…) et qui offre une vue constante sur les mollets saillants de celui de devant.

Le dal bhat du soir est particulièrement cher. Ce n’est pas étonnant ! Au Népal, de nombreux villages ne sont pas accessibles par route. Le transport des marchandises se fait alors à dos d’homme ! Nous croisons donc régulièrement sur notre route des porteurs qui ont sur leur dos des charges inimaginables, dépassant souvent les 50kg ! Cela nous fait relativiser sur le poids de nos propres sacs (environ 15 kg et déjà lourds !).

Même refrain pour nos petites courses matinales (gâteaux et nouilles instantanées pour la journée) réalisées dans les petits magasins présents dans quasiment chaque maison longeant le chemin ! Nous retrouvons donc les fonds de vallées avec plaisir pour leurs prix plus abordables.

Jaubari – Gudel (+1400m/-1500m)

Poursuite de la grimpée entreprise la veille jusqu’au Salpa Pass, notre premier col à plus de 3000m d’altitude ! Un amuse gueule au vu de ce qui nous attend dans la région de l’Everest mais qui nous a bien rassasié tout de même.



Passerelle himalayenne journalière.
Passerelle himalayenne journalière.
S’en suit une longue descente que nous avons poussée jusqu’à Gudel qui marque le terme d’une longue journée sur les sentiers. Un népalais nous accueille même à l’entrée du village et semble impressionné par ce que nous avons parcouru !

Il en a même profiter pour nous donner un cours succinct sur les monuments religieux que nous croisons. Il nous explique les différences entre les mémoriaux hindous (ethnie Raï) et bouddhistes (ethnie Sherpa). À savoir que chaque édifice religieux doit être contourné dans le sens des aiguilles d’une montre ! Nous nous plions donc à la règle, même lorsque cela implique quelques pas supplémentaires.

De Taplejung au Khumbu
Gudel – Najing Digma (+1800m/-1100m)

Un Chapati à la confiture et c’est reparti pour une traversée de vallée. Le scénario se répète chaque jour et nous commençons à être habitué tant physiquement que mentalement. Nous entrons dans le Makalu National Parc sans croiser de garde au poste de contrôle, ce qui nous fait économiser près de 3000 roupies chacun ! Un équivalent de 10 dal bhat ! Bonne nouvelle, en particulier pour Aubin dont les gargouillis de ventre se font entendre dès 8h du matin. Dans la descente périlleuse du Surke La (3070 m) nous croisons le premier touriste depuis le début de la traversée ! Un mexicain qui fait route inverse au niveau de Najing Digma, terminus de notre étape.

Najing Dingma – Kharte (+1800m/-2000m)

Cette journée débute de la meilleure des façons. Alors que nous avons l’habitude de boire un thé accompagné de quelques gâteaux secs avant de débuter la marche, nous découvrons sur la table, de la confiture, du miel, et du beurre de cacahuète ! Un délice pour les yeux et les papilles. Nous en profitons pour tremper les biscuits et finalement pour en avaler goulûment de grandes cuillerées. Assez désolant de ressentir un tel manque au niveau de la nourriture après seulement 11 jours ! Ça promet !
La vallée traversée du jour est très encaissée et impressionnante. Alors que nous empruntons la passerelle himalayenne vertigineuse, nous apercevons en contrebas des singes se jetant d’arbres en arbres.

De Taplejung au Khumbu
Kharte – Cheplung (+1100m/-950m)

Après la frénésie de Katmandou, place à celle de la vallée de l’Everest (Solu Khumbu) et de ses ribambelles de touristes venus du monde entier. Place également aux premiers sommets enneigés qui apparaissent au dessus de nos têtes avant que le brouillard et la pluie ne viennent calmer la fête.

De Taplejung au Khumbu
Au menu du jour, sur le chemin roulant menant à Lukla, des convois de mules, de yacks et… d’hélicoptères ! En raison du mauvais temps, l’aéroport est fermé et seuls les hélicoptères peuvent faire la « navette » depuis Katmandou. Pas terrible comme fond sonore, nous qui étions habitués aux bruits de la forêt.

Lukla marque le début de la zone touristique du Solu Khumbu. Passage obligé pour nous afin de préparer les prochaines semaines (permis du Solu Khumbu district, argent liquide et stock alimentaire). Au Népal, les machines à cartes n’existent quasiment pas, il faut donc se munir du liquide suffisant ! Un vrai casse tête au vu des des plafonds de retrait des rares distributeurs ! Le contraste dans la ville est saisissant avec tout ce qu’on a pu vivre jusqu’alors. Les rues, pavées, sont parsemées de magasins de sport, de restaurants occidentaux et même de bakery (boulangerie) ! Pas le temps de niaiser, nous suivons le flot de touristes pour rejoindre Cheplung.

De Taplejung au Khumbu
La bande annonce du film retraçant cette aventure !
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