L'Irlande ! La verte Érin, pour un tour complet à vélo.
L'irlande ! La Verte Érin... aux paysages verdoyants. Irlande, Irlande du nord, voilà mon projet de cette année 2025 pour un tour complet de trois mille kilomètres auquel il faudra ajouter ma traversée de la France de Roscoff à Besançon : mille-cinq-cents kilomètres.
Partir seule à vélo pour faire le tour de France, rallier Saint-Nazaire à la mer Noire ou encore pédaler de Besançon jusqu’au cap Nord, ce n’est pas simplement admirer des paysages, des villes, des musées et goûter à de nouvelles saveurs. C’est aussi l’occasion de rencontrer d’autres cultures, de plonger dans des traditions inconnues et, peut-être plus que tout, d’apprendre à se connaître soi-même.
Partir seule à vélo pour faire le tour de France, rallier Saint-Nazaire à la mer Noire ou encore pédaler de Besançon jusqu’au cap Nord, ce n’est pas simplement admirer des paysages, des villes, des musées et goûter à de nouvelles saveurs. C’est aussi l’occasion de rencontrer d’autres cultures, de plonger dans des traditions inconnues et, peut-être plus que tout, d’apprendre à se connaître soi-même.
Quand : 02/07/2025
Durée : 65 jours
Durée : 65 jours
Distance globale :
5613km
Dénivelées :
+19281m /
-19251m
Alti min/max : 0m/550m
Mobilité douce
Réalisé en utilisant transports en commun (train, bus, bateau...)
C'est possible (ou réalisé) en
train
ferry
592 lecteur(s)
-
Vue d'ensemble
Le topo : Section 2 du 11 au 16 juillet (mise à jour : hier)
Distance section :
379km
Dénivelées section :
+2656m /
-2653m
Section Alti min/max : 1m/408m
Description :
Derryconnery, Adriggle, Castletownbere, Zllihies, Ardgroom, Lauragh 85 km 993 m
Lauragh, Kenmare, Sneem, Caherdaniel E1 pas de camping rempl. par nationale 81 km 664 m
Caherdaniel, Kinrigh, Baile an Scellg, Portmagee, Knightstown, Cahersiveen 61,5 km 773 m
Cahersiveen, Kilkeehagh, Killorglin, Castlemaine, Inch Beach 81 km 365 m
Inch Beach, Dingle, Stradbally, Tralee 76 km 517 m
Lauragh, Kenmare, Sneem, Caherdaniel E1 pas de camping rempl. par nationale 81 km 664 m
Caherdaniel, Kinrigh, Baile an Scellg, Portmagee, Knightstown, Cahersiveen 61,5 km 773 m
Cahersiveen, Kilkeehagh, Killorglin, Castlemaine, Inch Beach 81 km 365 m
Inch Beach, Dingle, Stradbally, Tralee 76 km 517 m
Le compte-rendu : Section 2 du 11 au 16 juillet (mise à jour : hier)
Vendredi 11 juillet - 10e jour
85 km / 993 m
Derryconnery, Adriggle, Castletownbere, Zllihies, Ardgroom, Lauragh
Des potron minet, je me dirige vers ce tuyau d’arrosage tant convoité et visible par les quelques camping-caristes. Peu importe, je ne suis plus celle que j’étais avant de partir, et cette aire n’est pas la place de la Révolution à Besançon. Je verrai après-coup que ce site est surveillé par une vidéo.
Cette douche glacée me fait un bien fou. C’est un luxe pour la nomade que je suis devenue.
Dans les campings, les robinets pré-réglés laissent échapper une eau beaucoup trop chaude pour moi.
En un tour de main, tous mes effets sont rangés. Je peux repartir pour une courte étape. Si cela continue ainsi, je ne serai pas chez moi cet automne pour fêter mon anniversaire !
À deux reprises, on m’a conseillé un lieu en bordure de mer au point de vue féerique et où l’on peut camper.
Tout va bien ! Cependant, je ressens une petite douleur du genou droit. Sans doute ai-je beaucoup trop forcé hier !
Ce matin, le ciel était fermé par des nuages présentant toutes les nuances de gris.
Mais ils se sont dissipés et le soleil vient déjà, à huit heures du matin, me brûler le visage.
Je n’ai pas eu froid cette nuit. Même un peu trop chaud ! Et mon matelas ne s’est pas dégonflé. Cela restera un mystère.
Mon ami Paul, le Canadien, a dû s’arrêter deux jours à Bodø pour faire réparer son vélo. L’axe de sa roue arrière semblait endommagé et il en profite pour vérifier son itinéraire. Son application lui indique des côtes à 25, voire 35 %. Son message est alarmiste : « J’ai déjà gravi des cols, mais là ! C’est suicidaire ! » Je lui envoie la trace que j’ai utilisé lors de mon voyage en 2022.
Un cyclo-voyageur n’est pas un cyclotouriste ! Elle ou il prévoit un point de départ et un point d’arrivée. La distance à parcourir sera longue. Entre- temps, rien ne va s’orchestrer, se prévoir. En effet, les étapes peuvent être plus ou moins longues. Si votre vélo vous lâche, n’en pouvant plus par le poids qu’il supporte, par les trous dans la chaussée que l’on ne peut éviter… et si le premier vélociste est à cent kilomètres, il faut trouver une solution.
Quant à moi, pour mon excellente bicyclette, je n’y suis pas allée par quatre chemins cette année. Jusqu’à la dynamo qui est neuve, qui ne sert que pour l’éclairage et ce dernier ne fonctionne pas. J’ai démonté le phare, pensant que je trouverais une ampoule, comme dans les lampes de poche plates de jadis. Mais non ! L’espace était vide. Alors j’ai cherché, cherché au sol pensant que j avais fait tomber ce qui aurait dû se trouver à l’intérieur du phare. Mes recherches restèrent vaines. Je remarquai alors un minuscule point jaune tout au fond du phare. Serait-ce une micro-led ? J’attendrai le verdict d’un vélociste lorsque j’arriverai dans une ville irlandaise.
Au cours de nos longs voyages , il arrive que plus rien ne fonctionne. Toutes les batteries peuvent être à plat. Et si vous disposez d’une batterie solaire, faut-il encore du soleil.
Et comme si ce n’était pas suffisant, la perte du moral peut survenir et le doute avec. Doute de la réussite de l’aventure.
Cependant, tout ces désagréments ne persistent pas. À la fin de chaque étape on ressent une petite victoire et la fierté qui va avec.
Nous avons appris aussi que ce n’est pas la destination qui est importante dans ce genre d'aventure, mais tout le trajet pour y arriver.
Chaque jour nous rappelle qu’une extrême solidarité existe au sein des peuples, quels qu’ils soient. Hormis les gouvernements, hormis les forces quelles qu’elles soient.
On apprend à ne pas se projeter au-delà du virage, au-delà de la montagne. Nous sommes dans le plus grand domaine de l’inconnu, de la découverte.
Les rencontres sont le sel du voyage. Nous ne savions même pas qu’elles existaient ces personnes-là, jusqu’au moment où elles entrent dans notre champ de perception et de conscience.
Avec toutes ces pensées, j’arrive rapidement et sans peine à Killmakilkage, au magnifique point de vue conseillé par Anne-Marie. Hélas aucun camping n’est situé dans le secteur.
Je me laisse entraîner à Coomagillagh situé à une quinzaine de kilomètres. Là, je découvre un camping tout mignon bien caché dans une forêt. Noé, le petit-fils des propriétaires, a seize ans, il est le garçon à tout faire du camping. Il vit en Haute-Savoie et il est ravi de partager quelques mots avec moi. Content aussi de parfaire son Anglais.
Je loue une cabane et compte bien rester encore demain dans cette forêt.
85 km / 993 m
Derryconnery, Adriggle, Castletownbere, Zllihies, Ardgroom, Lauragh
Des potron minet, je me dirige vers ce tuyau d’arrosage tant convoité et visible par les quelques camping-caristes. Peu importe, je ne suis plus celle que j’étais avant de partir, et cette aire n’est pas la place de la Révolution à Besançon. Je verrai après-coup que ce site est surveillé par une vidéo.
Cette douche glacée me fait un bien fou. C’est un luxe pour la nomade que je suis devenue.
Dans les campings, les robinets pré-réglés laissent échapper une eau beaucoup trop chaude pour moi.
En un tour de main, tous mes effets sont rangés. Je peux repartir pour une courte étape. Si cela continue ainsi, je ne serai pas chez moi cet automne pour fêter mon anniversaire !
À deux reprises, on m’a conseillé un lieu en bordure de mer au point de vue féerique et où l’on peut camper.
Tout va bien ! Cependant, je ressens une petite douleur du genou droit. Sans doute ai-je beaucoup trop forcé hier !
Ce matin, le ciel était fermé par des nuages présentant toutes les nuances de gris.
Mais ils se sont dissipés et le soleil vient déjà, à huit heures du matin, me brûler le visage.
Je n’ai pas eu froid cette nuit. Même un peu trop chaud ! Et mon matelas ne s’est pas dégonflé. Cela restera un mystère.
Mon ami Paul, le Canadien, a dû s’arrêter deux jours à Bodø pour faire réparer son vélo. L’axe de sa roue arrière semblait endommagé et il en profite pour vérifier son itinéraire. Son application lui indique des côtes à 25, voire 35 %. Son message est alarmiste : « J’ai déjà gravi des cols, mais là ! C’est suicidaire ! » Je lui envoie la trace que j’ai utilisé lors de mon voyage en 2022.
Un cyclo-voyageur n’est pas un cyclotouriste ! Elle ou il prévoit un point de départ et un point d’arrivée. La distance à parcourir sera longue. Entre- temps, rien ne va s’orchestrer, se prévoir. En effet, les étapes peuvent être plus ou moins longues. Si votre vélo vous lâche, n’en pouvant plus par le poids qu’il supporte, par les trous dans la chaussée que l’on ne peut éviter… et si le premier vélociste est à cent kilomètres, il faut trouver une solution.
Quant à moi, pour mon excellente bicyclette, je n’y suis pas allée par quatre chemins cette année. Jusqu’à la dynamo qui est neuve, qui ne sert que pour l’éclairage et ce dernier ne fonctionne pas. J’ai démonté le phare, pensant que je trouverais une ampoule, comme dans les lampes de poche plates de jadis. Mais non ! L’espace était vide. Alors j’ai cherché, cherché au sol pensant que j avais fait tomber ce qui aurait dû se trouver à l’intérieur du phare. Mes recherches restèrent vaines. Je remarquai alors un minuscule point jaune tout au fond du phare. Serait-ce une micro-led ? J’attendrai le verdict d’un vélociste lorsque j’arriverai dans une ville irlandaise.
Au cours de nos longs voyages , il arrive que plus rien ne fonctionne. Toutes les batteries peuvent être à plat. Et si vous disposez d’une batterie solaire, faut-il encore du soleil.
Et comme si ce n’était pas suffisant, la perte du moral peut survenir et le doute avec. Doute de la réussite de l’aventure.
Cependant, tout ces désagréments ne persistent pas. À la fin de chaque étape on ressent une petite victoire et la fierté qui va avec.
Nous avons appris aussi que ce n’est pas la destination qui est importante dans ce genre d'aventure, mais tout le trajet pour y arriver.
Chaque jour nous rappelle qu’une extrême solidarité existe au sein des peuples, quels qu’ils soient. Hormis les gouvernements, hormis les forces quelles qu’elles soient.
On apprend à ne pas se projeter au-delà du virage, au-delà de la montagne. Nous sommes dans le plus grand domaine de l’inconnu, de la découverte.
Les rencontres sont le sel du voyage. Nous ne savions même pas qu’elles existaient ces personnes-là, jusqu’au moment où elles entrent dans notre champ de perception et de conscience.
Avec toutes ces pensées, j’arrive rapidement et sans peine à Killmakilkage, au magnifique point de vue conseillé par Anne-Marie. Hélas aucun camping n’est situé dans le secteur.
Je me laisse entraîner à Coomagillagh situé à une quinzaine de kilomètres. Là, je découvre un camping tout mignon bien caché dans une forêt. Noé, le petit-fils des propriétaires, a seize ans, il est le garçon à tout faire du camping. Il vit en Haute-Savoie et il est ravi de partager quelques mots avec moi. Content aussi de parfaire son Anglais.
Je loue une cabane et compte bien rester encore demain dans cette forêt.
Samedi 12 juillet - 11e jour
Journée au camping
Farniente
Noé ne connaît pas l’histoire de ses grands-parents. Il me précise qu’ils ne le sont pas véritablement. Ce sont les parents de sa belle-mère qui vit avec son père depuis six ans. Il a besoin de cette précision. L’entente entre ce couple âgé et ce jeune garçon est agréable à voir.
Par le biais de mes questions, la dame raconte : « Il y a trente-cinq ans, nous avons acheté cette parcelle de terre couverte d’arbres et de buissons. Mon mari, qui était électronicien auparavant, a défriché, organisé de petites parcelles et a tout construit lui-même. Les cabanes comme celle dans laquelle vous êtes, les cabanes-brasero, les abris où l’on peut cuisiner, les sanitaires aussi. Il a dessiné les plans de notre maison d’habitation et, là-encore, l’a construite lui-même. Et ce camping participe pleinement à notre vie. Nous sommes âgés, mais pas encore prêts à lâcher cette vie-là.»
En effet, j’avais remarqué que les sanitaires étaient un vrai travail de bricoleur. Ici, il ne s’agit pas de minuscules cabines en plastique préfabriquées. Bien au contraire, elles sont spacieuses, couvertes d’un linoléum et l’eau s’écoule tout simplement dehors. Les portes sont de larges plaques de bois compressé et les poignées sont des morceaux de bois qui se rabattent dans une encoche. Tout est construit pour durer. Les constructions ont trente-cinq ans et ne montrent pas le poids des années. Et ceci, pour encore de nombreuses décennies.
Ma journée se termine à la plage à trois kilomètres d’ici. Un grand tonneau en bois fait office de sauna et une petite roulotte de bar. Malheureusement sans bière.
Mais quand vais-je donc savourer une bière noire !
Journée au camping
Farniente
Noé ne connaît pas l’histoire de ses grands-parents. Il me précise qu’ils ne le sont pas véritablement. Ce sont les parents de sa belle-mère qui vit avec son père depuis six ans. Il a besoin de cette précision. L’entente entre ce couple âgé et ce jeune garçon est agréable à voir.
Par le biais de mes questions, la dame raconte : « Il y a trente-cinq ans, nous avons acheté cette parcelle de terre couverte d’arbres et de buissons. Mon mari, qui était électronicien auparavant, a défriché, organisé de petites parcelles et a tout construit lui-même. Les cabanes comme celle dans laquelle vous êtes, les cabanes-brasero, les abris où l’on peut cuisiner, les sanitaires aussi. Il a dessiné les plans de notre maison d’habitation et, là-encore, l’a construite lui-même. Et ce camping participe pleinement à notre vie. Nous sommes âgés, mais pas encore prêts à lâcher cette vie-là.»
En effet, j’avais remarqué que les sanitaires étaient un vrai travail de bricoleur. Ici, il ne s’agit pas de minuscules cabines en plastique préfabriquées. Bien au contraire, elles sont spacieuses, couvertes d’un linoléum et l’eau s’écoule tout simplement dehors. Les portes sont de larges plaques de bois compressé et les poignées sont des morceaux de bois qui se rabattent dans une encoche. Tout est construit pour durer. Les constructions ont trente-cinq ans et ne montrent pas le poids des années. Et ceci, pour encore de nombreuses décennies.
Ma journée se termine à la plage à trois kilomètres d’ici. Un grand tonneau en bois fait office de sauna et une petite roulotte de bar. Malheureusement sans bière.
Mais quand vais-je donc savourer une bière noire !
Dimanche 13 juillet - 12e jour
81 km / 664 m
Lauragh, Kenmare, Sneem, Caherdaniel
Remplacé par la Black Valley
Il n’est pas encore huit heures et je pédale déjà.
Une petite cabane avec simplement un lit, une table, des chaises, et sans eau courante, remet vite dans une bonne zone de confort. Surtout, cela évite de replier le matériel. Tous les bagages sont ficelés depuis hier soir.
Mais m’arrêter, ne serait-ce qu’une journée, coupe mon rythme. À savoir que je ne l’ai pas encore trouvé pour ce voyage. En effet, jusqu’à présent, je ne respecte pas un kilométrage raisonnable au cours d’une journée pour une cyclo-voyageuse. Parfois j’ai scindé en deux mes étapes.
Aujourd’hui, le ciel est voilé, totalement fermé. Tous les gris s’y retrouvent. Gris argent, étain, fer, perle, pierre, prison… gris fumée, plomb… dans des courbes, des circonvolutions, des formes de toutes sortes. Au loin, les montagnes disparaissent, enveloppées par les nuages.
À Kenmare, de nombreuses enseignes ornent les façades. L’une, « Maison Gourmet », attire particulièrement mon regard. Il est temps de faire une petite pause qui deviendra longue… au vu de mon accent, une dame me répond en français, à l’accent du sud-ouest. C’est Emmanuelle, la propriétaire du lieu. Malgré de nombreux clients, nous remplissons l’espace de nos sonorités françaises, elle, avec son accent des Pyrénées et moi, avec celui de Franche-Comté.
Je m’installe dans une petite salle intime occupée par trois tables, une bibliothèque et surtout de nombreuses photos d’Emmanuelle, de son mari Patrick, de leur mariage de leurs enfants.
Je crois avoir une propension à poser des questions clefs, insidieuses. De fil en aiguille, elle se dévoile. Ils ont quitté la France depuis une quinzaine d’années pour s’installer en Irlande. Ils sont les propriétaires de la boulangerie depuis une dizaine d’années. Le pain a gardé son appellation française : pain de campagne, baguette traditionnelle…
Elle poursuit : « Nous ne nous sentions plus à notre place dans le sud de la France. Trop de violence ! » Un discours quelque peu généraliste !
Puis c’est à mon tour de raconter. Qui êtes-vous ? me demande-t-elle : « Je suis une dame, institutrice retraitée, cyclo-voyageuse depuis une douzaine d’années. J’ai parcouru la France de long en large, de nombreux pays jusqu’à la frontière ukrainienne, jusqu’au cap Nord et cette année, je fais le tour de l’Irlande. » Elle me regarde, interdite. J’ai beau avoir l’accoutrement d’une cycliste, je n’en ai pas l’air ! Et j’ajoute : « Jamais au grand jamais je n’ai rencontré de violence. » Elle me regarde gentiment et reprend : « Vous avez un ange qui veille sur vous ! » Alors là ! Il y a trois jours je ressemblais à un ange pour la dame Néo-Zélandaise et aujourd’hui pour la dame des Pyrénées devenue irlandaise, un ange veille sur moi.
Quel bon moment divertissant ! Je peux repartir maintenant avec ce compagnon si discret !
À la sortie de Kenmare, deux circuits sont possibles, soit poursuivre le bord du bras de mer sur l’autre versant, soit continuer l’EuroVelo1 qui passe dans les terres occasionnant un long détour.
J’opte pour la deuxième version. En principe le tracé a été étudié par les régions, pas pour sa facilité, mais surtout pour son originalité.
Je comprends assez rapidement quelle en est l’originalité. Mon GPS me crie et me montre avec force un dénivelé de plusieurs couleurs. Cinq kilomètres huit-cents avec un dénivelé de deux-cent-cinquante mètres, ce qui, par un calcul rapide, annonce un faux plat extrêmement vicieux. Très vicieux !
Aller ! Comme l’écrit mon GPS.
Il me faut bien, un jour en Irlande, commencer les véritables efforts en tentant de ne pas pousser ma bicyclette.
Plus de cinq kilomètres sans répit est un exploit pour moi.
Coup de pédale après coup de pédale, je me contrains à ne penser à rien et surtout à ne pas poser les pieds au sol.
Les moutons sont là ! Dans la montagne, je les entends bêler, avant que mon regard ne se porte sur eux. Leur fourrure est toujours aussi bien fournie. Ils sont craintifs et en quelques coups de sabot, ils se mettent en protection dans les rochers, s’éloignant à mon passage.
Le paysage est majestueux. Des chemins atteignent péniblement des fermes situées en hauteur sur les coteaux des montagnes.
Le col est accessible par la N71, riche en virages et aux passages parfois étroits. C’est une route dangereuse et ultra fréquentée ce dimanche-ci.
La Garda Síochána, à l’extraordinaire voiture damier jaune et beu, veille, cachée dans un chemin. De nombreux cônes ont été disposés de chaque côté de la route pour avertir de la dangerosité de celle-ci et qu’il ne faut pas s’arrêter en bordure de route. Toujours aussi prudents, les automobilistes me doublent après m’avoir suivie à 5/km durant de longs moments.
Et c’est ainsi que j’arrive au terme de cette interminable route, véritable serpent contorsionné au gré du relief, voie parfois creusée dans la roche, apparaissant, disparaissant.
J’y suis au col de Moll’s Gap. Le spectacle en valait ma peine ! Je profite un instant d’une vue incroyable sur la montagne Carrauntoohil, l’Upper Lake, la Blake Valley.
Je vire à droite au lieu de tourner à gauche. C’est décidé, je vais traverser la vallée noire, car trois jours en arrière, Olivier m’a envoyé des nouvelles. Il avait changé son itinéraire pour la Vallée Noire en me précisant : « C’est trop beau ». C’est décidé, je vais aller où « C’est trop beau. »
Alors là ! À moi la vallée noire ! Surtout dans les descentes ! Je me laisse porter avec le regard rivé sur l’exceptionnelle vallée, avec ses successions de lacs, ses rochers escarpés et ses vertes étendues de landes…
Les émotions inhérentes à la cyclo-voyageuse que je suis, commencent à se faire ressentir. Sensations de liberté, de légèreté et de soif de l’inconnu.
Et puis le ciel se déverse sur moi. J’annonce fréquemment que je préfère la pluie au soleil. Cependant, lorsque l’on est nomade à vélo, la vie peut vite être compliquée.
J’arrive à la ville de Kyllarney. Une compétition de régates rassemble un monde fou et les voitures qui vont avec. J’évite la ville en traversant un immense parc, avec golfs, guinguettes où l’on peut se restaurer. À plusieurs reprises je perds ma direction.
Apres un long moment, au calme, dans cet immense parc, je retrouve la N72 très fréquentés et menaçante. Heureusement, un semblant de piste cyclable a été tracé au bord de la chaussée. Parfois, il rétrécit. Parfois les ronces viennent me griffer le visage. Toutefois, je me sens en sécurité.
Enfin, je quitte la nationale pour retrouver une autre plaine jusqu’à Glencar. Je roule dans la campagne. Route très étroite, des vaches, des taureaux, des chevaux, des moutons, de petites maisons ou alors d’autres, imposantes, en pierre de taille.
Elles sont colorées en gris, en beige, en ocre. Les couleurs pétillantes ont disparu de l’horizon.
Là-encore, les nuages se déversent pour venir me tremper, puis je sèche. C’est une alternance de cyclo-mouillée et de cyclo-sèche. Les moutons sont aussi défraîchis que moi. Laine mouillée et hirsute. Puis ce sont des taureaux, impassibles, couchés derrière une barrière à quatre fils, qui semble tres fragile. Je m’arrête face à eux pour les photographier. Apres quelques coups de pédale, j’entends un galop impétueux dans la pâture. Sans un regard en arrière, je file.
Une église m’intrigue. Elle présente un toit à la forme de plusieurs chapeaux chinois. Une église exceptionnelle. Au fur et à mesure que je m’approche je remarque que le fond s’ouvre sur l’extérieur et laisse progressivement apparaître, en premier plan,un champ coloré en jaune dans lequel est placé une grande croix, en second plan, j’aperçois des montagnes, un ciel gris.
Cette église me fait penser au théâtre de Bussang dans les Vosges, et à son extraordinaire scène s’ouvrant sur la forêt.
En face de cette église, de l’autre côté de la route, son aînée, rablée et grise, veille d’un air sévère.
Je suis absolument ravie, je n’ai pas poussé ma bicyclette aujourd’hui.
Peut-être que je commence à m’adapter à ce régime vélo.
Et j’arrive à Glencar. À un carrefour… tout ce qu’il m’est nécessaire. Un champ-camping, un pub, une toute petite épicerie. En un temps record, le campement est monté, une douche est la bienvenue et mes vêtements du jour deviennent un balot, dont je m’occuperai un autre jour, dérogeant ainsi aux habitudes.
Vêtue de mon legging, de ma petite robe â paillettes, du boléro la complétant et de tongs, je me rends enfin, pour la première fois, dans un pub irlandais.
Je suis saisie dès mon entrée par l’intensité des sons. Devant les hommes, agglutinés au bar, les bières s’alignent. C’est vive la joie. Ils ne savent plus parler, ils crient leur allégresse ! Ils rient comme des fous. L’alcool leur est joyeux.
Les dames, moins nombreuses sont assises
sur une banquette moelleuse, les unes à côté des autres. Peu ont un verre devant-elle. Elles sont calmes, à peine parlent-t-elles. Ce sont les femmes des buveurs de bière. Elles les attendent pour les ramener au bercail lorsque ceux-ci donnent le signal de départ.
Je peux enfin boire, moi-aussi, une Guinness, aussi noire que l’ébène et couverte d’une mousse crémeuse, onctueuse, aussi dense qu’une crème fouettée. Et surtout, je vais déguster pour la première fois depuis mon arrivée en Irlande, un repas digne de ce nom. Du « Lion » accompagné d’une multitude de légumes. Je n’en viendrai pas à bout.
L’ambiance est décontractée, chaleureuse, bruyante. Tout le monde parle en même temps. Il m’et difficile de comprendre ce que l’on me dit. Quel bon moment !
81 km / 664 m
Lauragh, Kenmare, Sneem, Caherdaniel
Remplacé par la Black Valley
Il n’est pas encore huit heures et je pédale déjà.
Une petite cabane avec simplement un lit, une table, des chaises, et sans eau courante, remet vite dans une bonne zone de confort. Surtout, cela évite de replier le matériel. Tous les bagages sont ficelés depuis hier soir.
Mais m’arrêter, ne serait-ce qu’une journée, coupe mon rythme. À savoir que je ne l’ai pas encore trouvé pour ce voyage. En effet, jusqu’à présent, je ne respecte pas un kilométrage raisonnable au cours d’une journée pour une cyclo-voyageuse. Parfois j’ai scindé en deux mes étapes.
Aujourd’hui, le ciel est voilé, totalement fermé. Tous les gris s’y retrouvent. Gris argent, étain, fer, perle, pierre, prison… gris fumée, plomb… dans des courbes, des circonvolutions, des formes de toutes sortes. Au loin, les montagnes disparaissent, enveloppées par les nuages.
À Kenmare, de nombreuses enseignes ornent les façades. L’une, « Maison Gourmet », attire particulièrement mon regard. Il est temps de faire une petite pause qui deviendra longue… au vu de mon accent, une dame me répond en français, à l’accent du sud-ouest. C’est Emmanuelle, la propriétaire du lieu. Malgré de nombreux clients, nous remplissons l’espace de nos sonorités françaises, elle, avec son accent des Pyrénées et moi, avec celui de Franche-Comté.
Je m’installe dans une petite salle intime occupée par trois tables, une bibliothèque et surtout de nombreuses photos d’Emmanuelle, de son mari Patrick, de leur mariage de leurs enfants.
Je crois avoir une propension à poser des questions clefs, insidieuses. De fil en aiguille, elle se dévoile. Ils ont quitté la France depuis une quinzaine d’années pour s’installer en Irlande. Ils sont les propriétaires de la boulangerie depuis une dizaine d’années. Le pain a gardé son appellation française : pain de campagne, baguette traditionnelle…
Elle poursuit : « Nous ne nous sentions plus à notre place dans le sud de la France. Trop de violence ! » Un discours quelque peu généraliste !
Puis c’est à mon tour de raconter. Qui êtes-vous ? me demande-t-elle : « Je suis une dame, institutrice retraitée, cyclo-voyageuse depuis une douzaine d’années. J’ai parcouru la France de long en large, de nombreux pays jusqu’à la frontière ukrainienne, jusqu’au cap Nord et cette année, je fais le tour de l’Irlande. » Elle me regarde, interdite. J’ai beau avoir l’accoutrement d’une cycliste, je n’en ai pas l’air ! Et j’ajoute : « Jamais au grand jamais je n’ai rencontré de violence. » Elle me regarde gentiment et reprend : « Vous avez un ange qui veille sur vous ! » Alors là ! Il y a trois jours je ressemblais à un ange pour la dame Néo-Zélandaise et aujourd’hui pour la dame des Pyrénées devenue irlandaise, un ange veille sur moi.
Quel bon moment divertissant ! Je peux repartir maintenant avec ce compagnon si discret !
À la sortie de Kenmare, deux circuits sont possibles, soit poursuivre le bord du bras de mer sur l’autre versant, soit continuer l’EuroVelo1 qui passe dans les terres occasionnant un long détour.
J’opte pour la deuxième version. En principe le tracé a été étudié par les régions, pas pour sa facilité, mais surtout pour son originalité.
Je comprends assez rapidement quelle en est l’originalité. Mon GPS me crie et me montre avec force un dénivelé de plusieurs couleurs. Cinq kilomètres huit-cents avec un dénivelé de deux-cent-cinquante mètres, ce qui, par un calcul rapide, annonce un faux plat extrêmement vicieux. Très vicieux !
Aller ! Comme l’écrit mon GPS.
Il me faut bien, un jour en Irlande, commencer les véritables efforts en tentant de ne pas pousser ma bicyclette.
Plus de cinq kilomètres sans répit est un exploit pour moi.
Coup de pédale après coup de pédale, je me contrains à ne penser à rien et surtout à ne pas poser les pieds au sol.
Les moutons sont là ! Dans la montagne, je les entends bêler, avant que mon regard ne se porte sur eux. Leur fourrure est toujours aussi bien fournie. Ils sont craintifs et en quelques coups de sabot, ils se mettent en protection dans les rochers, s’éloignant à mon passage.
Le paysage est majestueux. Des chemins atteignent péniblement des fermes situées en hauteur sur les coteaux des montagnes.
Le col est accessible par la N71, riche en virages et aux passages parfois étroits. C’est une route dangereuse et ultra fréquentée ce dimanche-ci.
La Garda Síochána, à l’extraordinaire voiture damier jaune et beu, veille, cachée dans un chemin. De nombreux cônes ont été disposés de chaque côté de la route pour avertir de la dangerosité de celle-ci et qu’il ne faut pas s’arrêter en bordure de route. Toujours aussi prudents, les automobilistes me doublent après m’avoir suivie à 5/km durant de longs moments.
Et c’est ainsi que j’arrive au terme de cette interminable route, véritable serpent contorsionné au gré du relief, voie parfois creusée dans la roche, apparaissant, disparaissant.
J’y suis au col de Moll’s Gap. Le spectacle en valait ma peine ! Je profite un instant d’une vue incroyable sur la montagne Carrauntoohil, l’Upper Lake, la Blake Valley.
Je vire à droite au lieu de tourner à gauche. C’est décidé, je vais traverser la vallée noire, car trois jours en arrière, Olivier m’a envoyé des nouvelles. Il avait changé son itinéraire pour la Vallée Noire en me précisant : « C’est trop beau ». C’est décidé, je vais aller où « C’est trop beau. »
Alors là ! À moi la vallée noire ! Surtout dans les descentes ! Je me laisse porter avec le regard rivé sur l’exceptionnelle vallée, avec ses successions de lacs, ses rochers escarpés et ses vertes étendues de landes…
Les émotions inhérentes à la cyclo-voyageuse que je suis, commencent à se faire ressentir. Sensations de liberté, de légèreté et de soif de l’inconnu.
Et puis le ciel se déverse sur moi. J’annonce fréquemment que je préfère la pluie au soleil. Cependant, lorsque l’on est nomade à vélo, la vie peut vite être compliquée.
J’arrive à la ville de Kyllarney. Une compétition de régates rassemble un monde fou et les voitures qui vont avec. J’évite la ville en traversant un immense parc, avec golfs, guinguettes où l’on peut se restaurer. À plusieurs reprises je perds ma direction.
Apres un long moment, au calme, dans cet immense parc, je retrouve la N72 très fréquentés et menaçante. Heureusement, un semblant de piste cyclable a été tracé au bord de la chaussée. Parfois, il rétrécit. Parfois les ronces viennent me griffer le visage. Toutefois, je me sens en sécurité.
Enfin, je quitte la nationale pour retrouver une autre plaine jusqu’à Glencar. Je roule dans la campagne. Route très étroite, des vaches, des taureaux, des chevaux, des moutons, de petites maisons ou alors d’autres, imposantes, en pierre de taille.
Elles sont colorées en gris, en beige, en ocre. Les couleurs pétillantes ont disparu de l’horizon.
Là-encore, les nuages se déversent pour venir me tremper, puis je sèche. C’est une alternance de cyclo-mouillée et de cyclo-sèche. Les moutons sont aussi défraîchis que moi. Laine mouillée et hirsute. Puis ce sont des taureaux, impassibles, couchés derrière une barrière à quatre fils, qui semble tres fragile. Je m’arrête face à eux pour les photographier. Apres quelques coups de pédale, j’entends un galop impétueux dans la pâture. Sans un regard en arrière, je file.
Une église m’intrigue. Elle présente un toit à la forme de plusieurs chapeaux chinois. Une église exceptionnelle. Au fur et à mesure que je m’approche je remarque que le fond s’ouvre sur l’extérieur et laisse progressivement apparaître, en premier plan,un champ coloré en jaune dans lequel est placé une grande croix, en second plan, j’aperçois des montagnes, un ciel gris.
Cette église me fait penser au théâtre de Bussang dans les Vosges, et à son extraordinaire scène s’ouvrant sur la forêt.
En face de cette église, de l’autre côté de la route, son aînée, rablée et grise, veille d’un air sévère.
Je suis absolument ravie, je n’ai pas poussé ma bicyclette aujourd’hui.
Peut-être que je commence à m’adapter à ce régime vélo.
Et j’arrive à Glencar. À un carrefour… tout ce qu’il m’est nécessaire. Un champ-camping, un pub, une toute petite épicerie. En un temps record, le campement est monté, une douche est la bienvenue et mes vêtements du jour deviennent un balot, dont je m’occuperai un autre jour, dérogeant ainsi aux habitudes.
Vêtue de mon legging, de ma petite robe â paillettes, du boléro la complétant et de tongs, je me rends enfin, pour la première fois, dans un pub irlandais.
Je suis saisie dès mon entrée par l’intensité des sons. Devant les hommes, agglutinés au bar, les bières s’alignent. C’est vive la joie. Ils ne savent plus parler, ils crient leur allégresse ! Ils rient comme des fous. L’alcool leur est joyeux.
Les dames, moins nombreuses sont assises
sur une banquette moelleuse, les unes à côté des autres. Peu ont un verre devant-elle. Elles sont calmes, à peine parlent-t-elles. Ce sont les femmes des buveurs de bière. Elles les attendent pour les ramener au bercail lorsque ceux-ci donnent le signal de départ.
Je peux enfin boire, moi-aussi, une Guinness, aussi noire que l’ébène et couverte d’une mousse crémeuse, onctueuse, aussi dense qu’une crème fouettée. Et surtout, je vais déguster pour la première fois depuis mon arrivée en Irlande, un repas digne de ce nom. Du « Lion » accompagné d’une multitude de légumes. Je n’en viendrai pas à bout.
L’ambiance est décontractée, chaleureuse, bruyante. Tout le monde parle en même temps. Il m’et difficile de comprendre ce que l’on me dit. Quel bon moment !
Lundi 14 juillet - 13e jour
81 km 365 m
Glencar, Kilkeehagh, Killorglin, Castlemaine, Inch Beach
Je devrais taire ma mésaventure de ce matin. Je n’en suis pas très fière !
Toutes les sacoches sont bouclées. Un coup d’œil dans la sacoche de guidon m’indique un espace vide. Je ne suis plus en possession de mon portefeuille !
C’est ainsi que je déploie ce qui était parfaitement plié, remarquablement rangé, y compris la tente. Je la secoue, mais rien ne vient à tomber.
J’attends l’ouverture du pub, en espérant que je l’ai oublié hier soir, tout en sachant que s’ils l’avaient retrouvé, ils me l’auraient rapporté au champ-camping.
Le propriétaire du pub est vraiment désolé, son expression le démontre. Nous inspectons les lieux. Mais point de porte-feuille ! Je rassure cet aimable monsieur et moi avec, en l’informant que je possède un autre moyen de paiement et un passeport. Son attitude se relâche.
Puis je m’en vais contrariée par mon étourderie et d’avoir tout de même perdu un élément clé de mon voyage.
Tout en pédalant, je fais défiler le cours de ma soirée. Me revient en souvenir le moment où je n’ai fait qu’un ballot de mes vêtements du jour, alors que je tenais ce fameux porte-feuille. Instant de précipitation pour profiter des moments de réjouissances.
En effet, il est bien là, pelotonné au milieu des vêtements.
Certes, c’est une petite mésaventure. Elle montre l’organisation qu’il faut avoir pour éviter des contretemps dans ce style de voyage. Voyage pour lequel il faut aussi relativiser les mésaventures.
Je suis ravie, car il contient aussi une rondelette somme d’argent. J’ai gardé la tradition de l’argent sonnant et trébuchant.
Une drôle de journée commence…
Les kilomètres défilent lentement. Je m’arrête sans cesse pour cueillir les premières mûres de la saison.
Les panoramas sont saisissants.
Je longe un immense lac tortueux comportant de nombreux bras de lac, des îlots bien arborés et des montagnes comme remparts.
Puis en un instant, le ciel se déverse sur moi. Polo et blouson sont plaqués sur mon dos telle une carapace. Puis le froid me gagne. Je m’arrête devant la barrière d’une pâture. Les vaches me regardent. Des bêtes enragées qui se mettent à meugler dans des cris intenses, prolongés, avec tellement d’emportement qu’elles s’en étranglent et me font peur. Je m’éloigne pour terminer de me couvrir de vêtements secs et retrouver un peu de chaleur.
Sur mon parcours de fin de journée, l’Eurovelo1 me dirige sur la N71, mais rapidement elle m’en extirpe.
Puis cette drôle de journée se poursuit. Il pleut, mais cette fois-ci, des trombes d’eau accompagnées d’un vent violent, puissant, de face bien évidemment. J’ai l’impression d’avoir pris un mauvais bain tout habillée.
Puis j’aperçois le camping « Inch Beach ». Un petit camping au sol détrempé et au vent qui pourrait faire envoler les quelques tentes présentes.
Devant mes difficultés, deux camping-caristes écossais se précipitent. À trois, nous avons bien des difficultés à maintenir et à planter la tente dans un sol aussi dur que du ciment.
L’ange veille. Une petite cuisine est aménagée dans ce camping rudimentaire avec lave-linge et sèche-linge.
Et je fais connaissance de deux dames écossaises qui passent leurs vacances ensemble. Audrey et Rony. L’une travaille à l’intégration des réfugiés et l’autre dans le social. Deux personnes pleine de cœur.
Ma nuit n’est perturbée ni par ce vent furieux ni par la pluie.
81 km 365 m
Glencar, Kilkeehagh, Killorglin, Castlemaine, Inch Beach
Je devrais taire ma mésaventure de ce matin. Je n’en suis pas très fière !
Toutes les sacoches sont bouclées. Un coup d’œil dans la sacoche de guidon m’indique un espace vide. Je ne suis plus en possession de mon portefeuille !
C’est ainsi que je déploie ce qui était parfaitement plié, remarquablement rangé, y compris la tente. Je la secoue, mais rien ne vient à tomber.
J’attends l’ouverture du pub, en espérant que je l’ai oublié hier soir, tout en sachant que s’ils l’avaient retrouvé, ils me l’auraient rapporté au champ-camping.
Le propriétaire du pub est vraiment désolé, son expression le démontre. Nous inspectons les lieux. Mais point de porte-feuille ! Je rassure cet aimable monsieur et moi avec, en l’informant que je possède un autre moyen de paiement et un passeport. Son attitude se relâche.
Puis je m’en vais contrariée par mon étourderie et d’avoir tout de même perdu un élément clé de mon voyage.
Tout en pédalant, je fais défiler le cours de ma soirée. Me revient en souvenir le moment où je n’ai fait qu’un ballot de mes vêtements du jour, alors que je tenais ce fameux porte-feuille. Instant de précipitation pour profiter des moments de réjouissances.
En effet, il est bien là, pelotonné au milieu des vêtements.
Certes, c’est une petite mésaventure. Elle montre l’organisation qu’il faut avoir pour éviter des contretemps dans ce style de voyage. Voyage pour lequel il faut aussi relativiser les mésaventures.
Je suis ravie, car il contient aussi une rondelette somme d’argent. J’ai gardé la tradition de l’argent sonnant et trébuchant.
Une drôle de journée commence…
Les kilomètres défilent lentement. Je m’arrête sans cesse pour cueillir les premières mûres de la saison.
Les panoramas sont saisissants.
Je longe un immense lac tortueux comportant de nombreux bras de lac, des îlots bien arborés et des montagnes comme remparts.
Puis en un instant, le ciel se déverse sur moi. Polo et blouson sont plaqués sur mon dos telle une carapace. Puis le froid me gagne. Je m’arrête devant la barrière d’une pâture. Les vaches me regardent. Des bêtes enragées qui se mettent à meugler dans des cris intenses, prolongés, avec tellement d’emportement qu’elles s’en étranglent et me font peur. Je m’éloigne pour terminer de me couvrir de vêtements secs et retrouver un peu de chaleur.
Sur mon parcours de fin de journée, l’Eurovelo1 me dirige sur la N71, mais rapidement elle m’en extirpe.
Puis cette drôle de journée se poursuit. Il pleut, mais cette fois-ci, des trombes d’eau accompagnées d’un vent violent, puissant, de face bien évidemment. J’ai l’impression d’avoir pris un mauvais bain tout habillée.
Puis j’aperçois le camping « Inch Beach ». Un petit camping au sol détrempé et au vent qui pourrait faire envoler les quelques tentes présentes.
Devant mes difficultés, deux camping-caristes écossais se précipitent. À trois, nous avons bien des difficultés à maintenir et à planter la tente dans un sol aussi dur que du ciment.
L’ange veille. Une petite cuisine est aménagée dans ce camping rudimentaire avec lave-linge et sèche-linge.
Et je fais connaissance de deux dames écossaises qui passent leurs vacances ensemble. Audrey et Rony. L’une travaille à l’intégration des réfugiés et l’autre dans le social. Deux personnes pleine de cœur.
Ma nuit n’est perturbée ni par ce vent furieux ni par la pluie.
Mardi 15 juillet - 14e jour
Inch Beach
il m’est impossible de repartir ce matin.
Le vent est trop puissant et la pluie trop violente. D’autant plus que je dois rouler sur la route régionale touristique. Essentiellement des Irlandais et des Écossais.
Jamais en douze années de cyclo-voyage, la météo ne m’avait empêchée de repartir un matin.
Ainsi, mes chaussures pourront terminer de sécher. Mais ce n’est pas certain !
La plage est au pied du camping. Certains se baignent. La température est de 13 degrés. Le choc thermique n’est pas à envisager. Hors de question de me baigner ! J’ai été assez mouillée hier ! Et certainement je le serai encore les jours suivants.
Je ne suis pas allée regarder ma pauvre tente depuis ce matin. Je l’ai laissée, secouée en tout sens, grelottante et tremblante de tous ses tissus par ce vent à 63 km/h.
Les Irlandais sont absolument merveilleux.
Allen m’a apporté quelques courses, simplement pour me faire plaisir. Il y en avait deux fois plus que sur la photo. Mais je ne pouvais pas tout accepter, cela faisait trop dans ma sacoche cuisine.
Allen travaille dans l’industrie pétrolière au Qatar. Il raconte : « Je travaille six mois par an et le reste du temps je voyage dans les pays chauds. souvent, je rencontre des gens généreux. Aujourd’hui, c’est à mon tour de l’être ! »
Il me félicite en me donnant en irlandais l’expression chapeau bas.
Demain, le vent devrait diminuer d’intensité.
Caherdaniel, Kinrigh, Baile an Scellg, Portmagee, Knightstown, Cahersiveen 61,5 km 773 m
(Parcours modifié)
Inch Beach
il m’est impossible de repartir ce matin.
Le vent est trop puissant et la pluie trop violente. D’autant plus que je dois rouler sur la route régionale touristique. Essentiellement des Irlandais et des Écossais.
Jamais en douze années de cyclo-voyage, la météo ne m’avait empêchée de repartir un matin.
Ainsi, mes chaussures pourront terminer de sécher. Mais ce n’est pas certain !
La plage est au pied du camping. Certains se baignent. La température est de 13 degrés. Le choc thermique n’est pas à envisager. Hors de question de me baigner ! J’ai été assez mouillée hier ! Et certainement je le serai encore les jours suivants.
Je ne suis pas allée regarder ma pauvre tente depuis ce matin. Je l’ai laissée, secouée en tout sens, grelottante et tremblante de tous ses tissus par ce vent à 63 km/h.
Les Irlandais sont absolument merveilleux.
Allen m’a apporté quelques courses, simplement pour me faire plaisir. Il y en avait deux fois plus que sur la photo. Mais je ne pouvais pas tout accepter, cela faisait trop dans ma sacoche cuisine.
Allen travaille dans l’industrie pétrolière au Qatar. Il raconte : « Je travaille six mois par an et le reste du temps je voyage dans les pays chauds. souvent, je rencontre des gens généreux. Aujourd’hui, c’est à mon tour de l’être ! »
Il me félicite en me donnant en irlandais l’expression chapeau bas.
Demain, le vent devrait diminuer d’intensité.
Caherdaniel, Kinrigh, Baile an Scellg, Portmagee, Knightstown, Cahersiveen 61,5 km 773 m
(Parcours modifié)
Mercredi 16 juillet -15e jour
76 km / 942 m
Inch Beach, Dingle, Conor Pass, Stradbally, Tralee
Après une journée de pause forcée, il est difficile de repartir. Une petite voix se fait entendre : « Non ! Non ! Non ! Pourquoi encore pédaler toute une journée. Surtout avec ce qui t’attend ! Un col à 12 % de dénivelé ! Rentre chez toi ! Pense à ton lit confortable, ton divan relaxe, tes livres… »
Hier, Paul m’écrivait qu’il souffrait de la chaleur, 29 degrés C à l’intérieur du Cercle Polaire Arctique. Il doit s’arrêter pour s’hydrater lorsqu’il grimpe des côtes. Il pense que nous sommes des fous courageux.
Je n’ai pas trop de risque de déshydratation, il fait 15 degrés et je pousse d’emblée mon vélo. Pas de jambes ce matin !
Lorsque la descente arrive, je me réconforte et me repose. Le ciel est totalement gris. Un gris uniforme. Les champs ressemblent à un patchwork de velours, aux tons prairie, sauge, canard, pomme, émeraude et vert irlandais évidemment. Parfois, les haies forment des zigzags ressemblant à d’énormes coutures d’un vert bouteille pour assembler toutes les formes du patchwork.
Une bonne descente m’entraîne en fond de baie où une tour, ou peut-être un petit château en grande partie effondrée, surveille encore la mer. Sur mon chemin, je rencontre assez régulièrement des lieux que l’on pourrait qualifier de lugubres avec des constructions isolées, en pierres grises et surtout abandonnées. Je n’ai pas encore eu le temps de m’investir dans les mythes et les légendes de l’Irlande. mais cela viendra certainement après le voyage.
Mes journées sont bien remplies par le parcours de longues distances à vélo, par le temps d’observer, de photographier, de parler avec des inconnus, de monter et démonter mon campement presque quotidiennement et, aussi, par les corvées quotidiennes qui s’ajoutent à tous cela (courses, entretien du linge…) et, évidemment, rendre compte des principaux événements de la journée par le biais de mon journal.
J’arrive à Dingle. Je ne prends pas le temps de visiter la ville. Hier, au camping, Allen m’a prévenu de la difficulté à franchir le col « Conor Pass An Chonair ». Il relie la baie de Brandon à Dingle. L’altitude est de quatre-cent-dix mètres pour une déclivité moyenne de 5,6 % et une longueur de sept kilomètres. Les bus, les camping-cars sont interdits, car la route se rétrécit considérablement à certains endroits. D’emblée, j’attaque ce col… à pieds ! Et je savoure les mûres cueillies en bordure de route. Je ne suis pas près d’arriver là-haut !
Puis cela se corse ! Si la moyenne est de 5,6 %, parfois elle est de 9 % et, peut-être, de 12 %. Le calcul est simple. Pour parcourir sept kilomètres, je mettrai deux ou trois heures en mobilisant beaucoup de force afin de pousser mon poids-lourd de quarante-cinq kilogrammes. Mamma-Mia ! Je veux rentrer chez moi ! Puis je pense à ceux qui ne sont plus et qui n’auront plus la chance que j’ai de parcourir le monde. Je pense à Sylvie qui a de grandes difficultés à marcher et qui, après avoir lu mon livre, m’a informée : « Tu m’as emmenée au cap Nord avec toi ! Merci ! » Je pense à des amies qui n’auraient pas l’énergie suffisante et le courage de se confronter à l’inconnu et parfois aux difficultés… alors je songe que j’ai de la chance d’être encore dotée, à mon âge, du potentiel pour réussir ce voyage-ci. Je pousse ce vélo si lourd. Je m’arrête fréquemment. Je me retourne et vois s’éloigner de plus en plus la ville de Dingle au fond de sa baie. J’observe les voitures qui me doublent pour comprendre où se situe la route à venir. Elle est creusée à flanc de montagne, peut-être est-ce un ancien chemin de bergers. Au loin, les voitures, apparaissent, disparaissent pour se perdre définitivement derrière la montagne.
Puis apparaît un coureur à pied. Sa présence en ce lieu est aussi incongrue que la mienne. Lorsqu’il me voit il crie : « It's amazing to meet you ! » Pris par l’élan qu’occasionne cette pente, il ne s’arrête pas, mais tend la main et vient délicatement frapper la mienne.
Il était le seul coureur et moi la seule cycliste sur la route de ce col. C’était une rencontre magique !
En effet, il me faudra deux heures trente pour arriver au sommet. J’ai pris le temps. J’ai su m’arrêter pour abaisser mon rythme cardiaque. Je ne suis même pas fatiguée.
J’arrive, fière comme Artaban, au point de vue où l’on domine d’un côté la baie de Dingle et de l’autre la baie de Brandon.
Le panorama est tout simplement exceptionnel malgré le vent et la pluie. Quelle belle récompense !
Puis c’est la descente plus abrupte, plus escarpée. La route est sinueuse et étroite, au bord de la falaise, longeant le flanc du Slievanea. Je ne me laisse pas entraîner par la vitesse. Ce serait dangereux. Une cascade au bord de la route m’arrête. Ce phénomène naturel de la nature a une tendance à fasciner l’Homme. En effet, plusieurs personne se sont arrêtées-là, dont l’une me prend en photo. J’ai peur de glisser sur les rochers. Ma position est crispée. Je suis toute engoncée dans mes vêtements de pluie. Mais j’ai le souvenir de cet instant.
Ma route se poursuit, les côtes sont terminées. Je peux avancer allègrement.
Je fais un détour par Castlegregory. En dehors du village, je pousse la grille d’une église en pierre grise, austère, auprès de laquelle je ne bivouaquerais pas. Un véritable lieu hanté ! Et l’arrière me le confirme ! Apres plusieurs hauts monticules herbeux, je découvre plusieurs cimetières. Des tombes implantées de façon disparate. Enfin, c’est l’impression que cela me donne. Je pensais que c’était de très anciens cimetières, mais pas du tout. Les dates des décès sont récentes. En revanche, sur l’avant et le côté de l’église, de vieux caveaux témoignent du temps qui passe.
Le village de Castlegregory ne me fait pas meilleure impression. Quelques maisons sont abandonnées, vitres cassées et vieux rideaux qui s’agitent par le vent.
Et puis je dois retrouver la N78 qui va me conduire à Tralee. Je n’aime pas circuler sur les nationales limitées à 100 km/h. J’ai l’impression de pédaler au bord de l’autoroute. Heureusement, je suis visible de loin et les automobilistes sont très prudents. Un camionneur me suit sur un kilomètre, patientant à la vitesse de 12 km/h. Je ne sens même pas le moteur tressaillir derrière moi. Il réussit à me doubler lorsque je trouve un petit espace sur le bas côté de la chaussée pour m’y réfugier. Lorsqu’il est à ma hauteur, le chauffeur va jusqu’à me remercier par un signe de la main et un large sourire. Son camion transporte des troncs d’arbres d’une longueur impressionnante.
Enfin, j’arrive sur une piste cyclable à la périphérie de Tralee. Un immense moulin blanc m’arrête. Il est contigu à MWP, centre d'expertise et d'excellence en ingénierie. Une équipe dédiée d'ingénieurs-conseils et de scientifiques qui fournissent des solutions sur mesure à une grande variété de projets. Je ne sais quelle fonction a le moulin.
Au sympathique camping de Tralee, je fais la connaissance de Rémy, Poitevin et motard. Nous repérons, sur sa carte défraîchie, les lieux que nous avons particulièrement appréciés. Puis Remy m’explique toutes les fonctionnalités de sa moto. Un cours très intéressant.
Olivier est arrivé à Galway. Il a créé un groupe sur un réseau social et m’a mentionnée. Certains de ses amis se moquent en lui écrivant : « Alors ! Jacqueline t’a devancée ! » Pour le devancer, il faudrait que son vélo tombe en panne !
76 km / 942 m
Inch Beach, Dingle, Conor Pass, Stradbally, Tralee
Après une journée de pause forcée, il est difficile de repartir. Une petite voix se fait entendre : « Non ! Non ! Non ! Pourquoi encore pédaler toute une journée. Surtout avec ce qui t’attend ! Un col à 12 % de dénivelé ! Rentre chez toi ! Pense à ton lit confortable, ton divan relaxe, tes livres… »
Hier, Paul m’écrivait qu’il souffrait de la chaleur, 29 degrés C à l’intérieur du Cercle Polaire Arctique. Il doit s’arrêter pour s’hydrater lorsqu’il grimpe des côtes. Il pense que nous sommes des fous courageux.
Je n’ai pas trop de risque de déshydratation, il fait 15 degrés et je pousse d’emblée mon vélo. Pas de jambes ce matin !
Lorsque la descente arrive, je me réconforte et me repose. Le ciel est totalement gris. Un gris uniforme. Les champs ressemblent à un patchwork de velours, aux tons prairie, sauge, canard, pomme, émeraude et vert irlandais évidemment. Parfois, les haies forment des zigzags ressemblant à d’énormes coutures d’un vert bouteille pour assembler toutes les formes du patchwork.
Une bonne descente m’entraîne en fond de baie où une tour, ou peut-être un petit château en grande partie effondrée, surveille encore la mer. Sur mon chemin, je rencontre assez régulièrement des lieux que l’on pourrait qualifier de lugubres avec des constructions isolées, en pierres grises et surtout abandonnées. Je n’ai pas encore eu le temps de m’investir dans les mythes et les légendes de l’Irlande. mais cela viendra certainement après le voyage.
Mes journées sont bien remplies par le parcours de longues distances à vélo, par le temps d’observer, de photographier, de parler avec des inconnus, de monter et démonter mon campement presque quotidiennement et, aussi, par les corvées quotidiennes qui s’ajoutent à tous cela (courses, entretien du linge…) et, évidemment, rendre compte des principaux événements de la journée par le biais de mon journal.
J’arrive à Dingle. Je ne prends pas le temps de visiter la ville. Hier, au camping, Allen m’a prévenu de la difficulté à franchir le col « Conor Pass An Chonair ». Il relie la baie de Brandon à Dingle. L’altitude est de quatre-cent-dix mètres pour une déclivité moyenne de 5,6 % et une longueur de sept kilomètres. Les bus, les camping-cars sont interdits, car la route se rétrécit considérablement à certains endroits. D’emblée, j’attaque ce col… à pieds ! Et je savoure les mûres cueillies en bordure de route. Je ne suis pas près d’arriver là-haut !
Puis cela se corse ! Si la moyenne est de 5,6 %, parfois elle est de 9 % et, peut-être, de 12 %. Le calcul est simple. Pour parcourir sept kilomètres, je mettrai deux ou trois heures en mobilisant beaucoup de force afin de pousser mon poids-lourd de quarante-cinq kilogrammes. Mamma-Mia ! Je veux rentrer chez moi ! Puis je pense à ceux qui ne sont plus et qui n’auront plus la chance que j’ai de parcourir le monde. Je pense à Sylvie qui a de grandes difficultés à marcher et qui, après avoir lu mon livre, m’a informée : « Tu m’as emmenée au cap Nord avec toi ! Merci ! » Je pense à des amies qui n’auraient pas l’énergie suffisante et le courage de se confronter à l’inconnu et parfois aux difficultés… alors je songe que j’ai de la chance d’être encore dotée, à mon âge, du potentiel pour réussir ce voyage-ci. Je pousse ce vélo si lourd. Je m’arrête fréquemment. Je me retourne et vois s’éloigner de plus en plus la ville de Dingle au fond de sa baie. J’observe les voitures qui me doublent pour comprendre où se situe la route à venir. Elle est creusée à flanc de montagne, peut-être est-ce un ancien chemin de bergers. Au loin, les voitures, apparaissent, disparaissent pour se perdre définitivement derrière la montagne.
Puis apparaît un coureur à pied. Sa présence en ce lieu est aussi incongrue que la mienne. Lorsqu’il me voit il crie : « It's amazing to meet you ! » Pris par l’élan qu’occasionne cette pente, il ne s’arrête pas, mais tend la main et vient délicatement frapper la mienne.
Il était le seul coureur et moi la seule cycliste sur la route de ce col. C’était une rencontre magique !
En effet, il me faudra deux heures trente pour arriver au sommet. J’ai pris le temps. J’ai su m’arrêter pour abaisser mon rythme cardiaque. Je ne suis même pas fatiguée.
J’arrive, fière comme Artaban, au point de vue où l’on domine d’un côté la baie de Dingle et de l’autre la baie de Brandon.
Le panorama est tout simplement exceptionnel malgré le vent et la pluie. Quelle belle récompense !
Puis c’est la descente plus abrupte, plus escarpée. La route est sinueuse et étroite, au bord de la falaise, longeant le flanc du Slievanea. Je ne me laisse pas entraîner par la vitesse. Ce serait dangereux. Une cascade au bord de la route m’arrête. Ce phénomène naturel de la nature a une tendance à fasciner l’Homme. En effet, plusieurs personne se sont arrêtées-là, dont l’une me prend en photo. J’ai peur de glisser sur les rochers. Ma position est crispée. Je suis toute engoncée dans mes vêtements de pluie. Mais j’ai le souvenir de cet instant.
Ma route se poursuit, les côtes sont terminées. Je peux avancer allègrement.
Je fais un détour par Castlegregory. En dehors du village, je pousse la grille d’une église en pierre grise, austère, auprès de laquelle je ne bivouaquerais pas. Un véritable lieu hanté ! Et l’arrière me le confirme ! Apres plusieurs hauts monticules herbeux, je découvre plusieurs cimetières. Des tombes implantées de façon disparate. Enfin, c’est l’impression que cela me donne. Je pensais que c’était de très anciens cimetières, mais pas du tout. Les dates des décès sont récentes. En revanche, sur l’avant et le côté de l’église, de vieux caveaux témoignent du temps qui passe.
Le village de Castlegregory ne me fait pas meilleure impression. Quelques maisons sont abandonnées, vitres cassées et vieux rideaux qui s’agitent par le vent.
Et puis je dois retrouver la N78 qui va me conduire à Tralee. Je n’aime pas circuler sur les nationales limitées à 100 km/h. J’ai l’impression de pédaler au bord de l’autoroute. Heureusement, je suis visible de loin et les automobilistes sont très prudents. Un camionneur me suit sur un kilomètre, patientant à la vitesse de 12 km/h. Je ne sens même pas le moteur tressaillir derrière moi. Il réussit à me doubler lorsque je trouve un petit espace sur le bas côté de la chaussée pour m’y réfugier. Lorsqu’il est à ma hauteur, le chauffeur va jusqu’à me remercier par un signe de la main et un large sourire. Son camion transporte des troncs d’arbres d’une longueur impressionnante.
Enfin, j’arrive sur une piste cyclable à la périphérie de Tralee. Un immense moulin blanc m’arrête. Il est contigu à MWP, centre d'expertise et d'excellence en ingénierie. Une équipe dédiée d'ingénieurs-conseils et de scientifiques qui fournissent des solutions sur mesure à une grande variété de projets. Je ne sais quelle fonction a le moulin.
Au sympathique camping de Tralee, je fais la connaissance de Rémy, Poitevin et motard. Nous repérons, sur sa carte défraîchie, les lieux que nous avons particulièrement appréciés. Puis Remy m’explique toutes les fonctionnalités de sa moto. Un cours très intéressant.
Olivier est arrivé à Galway. Il a créé un groupe sur un réseau social et m’a mentionnée. Certains de ses amis se moquent en lui écrivant : « Alors ! Jacqueline t’a devancée ! » Pour le devancer, il faudrait que son vélo tombe en panne !