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« Rail and Ride », La Laponie par les sommets

par erwan dans Récits et entretiens 30 janv. 2014 mis à jour 31 janv. 2014 3414 lecteurs 1 commentaires
Lecture 8 min.

11 jours d'itinérance sur les sommets de Laponie à ski de randonnée

Texte : Fanny Cathala et Olivier Cartier-Moulin
Photos : Yann Foucard, Jean-Marie Legallou, Fanny Cathala, Olivier Cartier-Moulin
www.railandride.org
Article publié dans Carnets d'Aventures n°26

S’éloigner des chemins classiques, s’immerger, s’imprégner des lieux pour mieux comprendre ce qu’est le Sapmi, la Laponie des Saamis, peuple du soleil et du vent. Cette immersion, nous la souhaitons profonde. Les deux jours de train qui nous attendent en sont une composante essentielle, comme un trait d’union entre départ et destination, rendant au monde sa vraie grandeur…

25 mars 2011. Fanny, Yann, Jean-Marie et Olivier quittent leurs montagnes savoyardes pour se rendre à l’extrême nord de la Suède. Bouleversant les habitudes qui les auraient inéluctablement conduits vers l’avion, ils choisissent, malgré la distance, d’adopter le train comme mode de transport. Un choix qu’ils confirment, suite à un précédent voyage en terres lapones en 2010.

Le but du voyage est de parcourir la Laponie par les sommets, à ski de randonnée. 11 jours d’itinérance en installant des camps de base, depuis lesquels ils rayonneront vers les cimes.

Attention au départ !

Pulkas, skis, sacs de 30 kg… sous les yeux éberlués des autres passagers, le train s’apprête à partir de la gare de St-Gervais avec Yann et Fanny à son bord. Les premières minutes de train se vivent intérieurement. Sur les rails, ininterrompus jusqu’en Laponie, des paysages connus défilent sous nos yeux. Arrivée à destination prévue dans 52 heures…



L’équipe se retrouve au grand complet en gare de Genève, Jean-Marie et Olivier l’ayant atteinte en bus depuis Albertville. Dans le train qui nous amène à Bâle, nous nous laissons surprendre par la Suisse et ses paysages de moyenne montagne, ses lacs, ses vignobles, ses villages… le pays se dévoile sous nos yeux.
Bâle marque le grand saut vers le nord. Dans le train de nuit qui met le cap vers Copenhague, le soleil descend sur l’horizon et le train devient nôtre.

DVD

Que fait-on dans un train ?
Le premier lieu à repérer est le wagon-bar : véritable plaque tournante du train, nous y faisons nos plus belles rencontres. Autour d’une bière ou d’un café, dans un cadre moderne ou cossu, nous discutons, rions, rêvons, refaisons le monde… 52 heures laissent le temps de se raconter de belles choses. C’est aussi l’occasion de jouer, lire, se poser, ne rien faire, s’évader. Les tracas du quotidien s’éloignent à mesure que se rapproche la taïga. Le train est notre maison, notre territoire. Rien à faire, nous nous y trouvons bien !
Que dire des nuits ? 20 heures en couchettes ? Se laisser bercer par le ronronnement du train, pour se réveiller 1000 km plus au nord. Instants rêvés…

Ce 26 mars, nous nous réveillons en pleine campagne danoise. Le contrôleur nous apporte presque le petit-déjeuner au lit ! Depuis Copenhague nous traversons le bras de mer qui nous sépare de la Suède et faisons escale à Malmö. En attendant le X2000, train pour Stockholm, nous prenons le temps de flâner à travers la ville. À deux pas de la gare, la cité suédoise respire la douceur de vivre. L’agencement des ruelles, des places pavées et des canaux ne semble avoir d’autre but que d’offrir le milieu le plus douillet à ceux qui parcourent cet espace. Les kayakistes y croisent le regard des cyclistes qui rejoignent les voyageurs attendant leurs correspondances. La notion de bien-être prend un nouveau sens.



Sur le quai de la gare nous rencontrons Fabrice et Marc, deux Belges qui se baladent avec une pulka. Nous les questionnons : où allez-vous comme ça ? Ils nous répondent qu’ils se rendent sur la Kungsleden… en train. Ils s’appuient sur un récit glané sur internet, sur expemag le site de Carnets d’Aventures, qui s’avère être notre compte-rendu de 2010 ! Nous partagerons la fin du voyage aller avec eux ainsi qu’avec Sebastian, Pernilla et Uwe… qui nous feront goûter peu à peu à l’atmosphère scandinave.
La traversée de la Suède offre une frise infinie de forêts et de lacs : forêt, lac, forêt, lac, forêt, lac, parfois quelques maisons rouges… À 10 mn de Stockholm, c’est encore le même paysage. En Suède, les grands espaces priment sur l’occupation humaine !
Une nouvelle nuit passée dans le train, un réveil au cœur de la taïga englacée, un renard sur un lac gelé, et déjà nous arrivons. Le 27 mars commence un nouveau voyage…

Nikkaluokta, Kebnekaise, Singi

Le train nous dépose à Kiruna. Dans une heure, à Nikkaluokta, nous serons sur nos skis…
À la descente du bus, nous récupérons nos colis envoyés en avance. 40 kg de matériel au total, dont la nourriture pour les 11 jours de raid et notre indispensable tipi. Les pulkas remplies, nous choisissons alors d’effectuer quelques kilomètres à ski avant la tombée de la nuit afin de commencer notre immersion au cœur du Sapmi (la Laponie pour les Saami).



Au premier bivouac, nous redécouvrons ce qu’est une neige sans cohésion : on a beau tasser, on en a toujours jusqu’aux fesses ! Le tipi monté, nous nous occupons du poêle à bois : 800 g qui nous permettent de gagner 20°C ! Ce voyage, nous le voulions convivial, avec un espace de vie unique pour tous les membres. L’ergonomie du tipi, 17 m² pour 3 m de hauteur, nous offre cet espace de partage qui, en y ajoutant un poêle, devient le camp de base idéal. Durant notre itinérance, nous installerons 4 camps à partir desquels nous rayonnerons vers les sommets.
Première nuit en Laponie, l’aurore boréale découpe les sommets et embrase le ciel… le torticolis nous guette ! Du grand spectacle !



Le Darfalcorru, d’apparence débonnaire, est notre premier sommet gravi à ski. Depuis sa cime, la Laponie se dévoile, montagneuse à l’infinie… Nos spatules en frétillent déjà d’envie.
Il nous réservera une descente parfaite sur une neige des plus douces et dans un décor de rêve : les couleurs pastel des versants caressent notre regard d’une infinie douceur. Il est difficile de décrire l’ambiance de ces espaces et l’intensité qui s’en dégage.

Séchoir à linge dans le tipi
Séchoir à linge dans le tipi

De Singi, nous faisons connaissance avec le Kebnekaise, point culminant de la Suède (2111 m). Les longues pentes soutenues de Rusjka (1700 m) ne nous laissent pas indifférents elles non plus ! Le temps clair et froid qui se maintient cette première semaine nous assure une neige légère sur un fond dur, des conditions parfaites pour le ski.
Les dénivelés varient de 600 à 1200 m. Les pentes sont belles et régulières. 1000 m de descente, seuls, avec de la poudre jusqu’aux genoux assurent le sourire une fois rentrés au tipi !

Descente du Kebnekaise
Descente du Kebnekaise

Les approches vers les sommets pouvant s’avérer longues, nous établissons nos deux derniers camps de base au plus près des pentes. Dès lors, seuls et loin des sentiers battus, nous nous laissons happer par l’immensité des lieux.

Après 6 jours de beau temps froid, le printemps semble forcer son retour. Les températures deviennent chaudes (0°C), le brouillard nous enveloppe, la pluie nous guette. La nuit du 2 avril nous essuyons une tempête plutôt corsée : nous pouvons l’assurer, le tipi résiste au vent ! Paradoxalement, le réchauffement des températures nous donne froid ! Tout ce qui était gelé dégèle et devient humide !
Le changement météo a aussi des conséquences sur le manteau neigeux. Le risque d’avalanche augmente en flèche. Les sondages réguliers nous le confirment. Nous choisissons donc des pentes plus débonnaires pour les trois derniers sommets. La Laponie offre un large choix de versants. Leurs déclivités, dénivelés et orientations variées nous ont permis de toujours trouver un sommet à skier.



Néanmoins, avec la précision relative des cartes du secteur (1:100.000e) et les conditions météo très changeantes, l’analyse précise du risque d’avalanche s’est parfois avérée difficile. C’est sur l’ascension la plus courte de tout le parcours que nous en avons fait la malheureuse expérience en déclenchant une plaque friable qui nous a chahutés sur quelques dizaines de mètres. Pas de mal mais une belle frayeur que l’on n’a pas le droit de s’offrir en Laponie !

Quelque part entre Kaitumjaure et Teusajaure

Le printemps arrive. Brusquement. Aux rennes, renards et élans observés jusqu’alors viennent s’ajouter le chant des passereaux qui s’égosillent dans les boulots. Nous rions des campagnols qui sortent de leurs galeries et gambadent sur la neige.

Les renards rôdent autour du tipi
Les renards rôdent autour du tipi

Au bord du lac gelé de Teusajaure, nous trouvons des trous dans la glace pour pêcher. Cette année, nous sommes équipés : fil de pêche, hameçons, plombs font partie du voyage. Mais la truite laponne ne se laisse pas facilement appâter, même avec du Beaufort… Les gardiens du refuge, eux, en auront pêché deux dans la matinée !

Sur une plage, au bord du lac Teusajaure
Sur une plage, au bord du lac Teusajaure

Un dernier bivouac de rêve !

Au soir du 5 avril, nous établissons notre dernier camp de base au pied du Rahpattjarro. Nous rejoindrons son sommet le lendemain, par un vent à décorner les rennes… Jean-Marie trouvera d’ailleurs par hasard deux bois de rennes coincés entre les rochers, un précieux souvenir. La vue, largement dégagée sur l’ouest, nous offre un coucher de soleil sans fin. Familiarisés avec le milieu qui nous entoure, nous nous sentons chez nous. La belle aventure humaine entre amis s’apprête à prendre fin… Éblouis par les lueurs d’une dernière aurore boréale, étourdis par la perfection d’un silence enivrant, nous respirons à plein poumons afin de nous emplir de ces immensités.



Le 7 avril, nous parcourons les 10 km qui nous séparent de la civilisation. Un bus nous conduit à Gällivare, cité minière, d’où nous reprenons le train du retour. De l’autre côté du lac Akkajaure, le puissant massif du Sarek, sauvage et étincelant, se découvre. Nous quittons la Laponie, mais déjà, de nos doigts, nous dessinons les courbes que nous reviendrons tracer sur ces sommets enneigés.

Que de rencontres !

Dans le train du retour, nous retrouvons par hasard Fabrice et Marc, nos amis belges que nous avions également croisés au camp de base de Singi. Nous partageons une dernière soirée avec eux dans un wagon-bar à travers l’Allemagne. Elle sera l’occasion de connaître également Erick et Koen, aventuriers hollandais qui reviennent du Sarek, et Patricia et Karim partis découvrir les îles Féroé… échanges intenses avec ces voyageurs, convaincus comme nous que le train n’a pas d’égal pour les voyages nature.

La fine équipe !
La fine équipe !

Parcours_carte

Parcours_carte

Matériel

  • 4 pulkas avec harnais, système de traction croisée, mi-corde mi-tendeur
  • 1 tipi
  • 1 poêle à bois pliable en titane
  • 4 paires de skis de randonnée
  • 4 kits ARVA-pelle-sonde
  • En option : crampons, baudriers légers, corde
  • 4 sacs de couchage en duvet confort -10°C
  • 4 petits sacs de couchage synthétiques pour protéger la plume
  • Paires de chaussettes pare-vapeur (vbl socks) : une révélation. On baigne dans notre transpiration mais nos pieds restent au chaud et les chaussures, elles, restent au sec. Un excellent moyen de ne jamais avoir froid aux pieds.
  • Vêtements perso comme en montagne chez nous en journée + veste et pantalon en duvet.
  • Chaussures de ski de rando + bottes de neige
  • 2 réchauds à essence
  • 4 thermos afin de ne pas avoir à faire chauffer de l’eau le midi
  • Hache et scie (pour donner à manger au poêle !)
  • GPS
  • Balise Spot
  • Chaussons en duvet

Astuce : se tailler des mini-peaux de phoques pour les parties en itinérance !

Rail and Ride, c’est :

  • 17 jours de voyage
  • 5 jours de train
  • 12 jours sur les skis
  • 6 sommets
  • 80 km d’itinérance

Le train

Titre de transport

La carte Interrail, est un véritable « passe-partout » européen : plusieurs formules sont disponibles suivant la durée du séjour. Nous avons opté pour la formule Flexipass nous permettant de voyager 10 jours en train sur un total de 22 jours de voyage. La carte Interrail laisse une grande liberté spatiale. En effet, sur la période indiquée, il est possible de prendre tous les trains que l’on souhaite ! Certains trains exigent toutefois d’effectuer des réservations. Des frais supplémentaires sont donc à prévoir.

Toutes les informations sont sur le site : francais.interrailnet.com

Planifier son voyage

Certains sites (www.sbb.ch/fr et www.bahn.de) permettent de visualiser en un clic un itinéraire traversant l’Europe entière. Horaires, informations relatives aux trains… tout y est traité.
Les réservations de trains peuvent s’effectuer :

  • Par téléphone ou internet auprès des compagnies nationales. Ceci nécessite de faire une réservation pour chaque pays.
  • Par téléphone auprès de DB France au 01.44.58.95.40. Cette compagnie réservera l’ensemble de vos trains moyennant des frais de dossier.

Hors des périodes de vacances, les réservations peuvent se faire au « coup par coup », directement en gare ou dans les trains n’entravant pas la liberté de déplacement.

Les bagages

Nouveauté 2011 !
Une expédition hivernale nécessite un surplus de bagages non négligeable lorsqu’il s’agit de les porter en gare. Nous avons fait le choix cette année d’envoyer par FRET du matériel à l’avance, à Nikkaluokta, point de départ de notre randonnée. Deux colis de 50 kg au total (nourriture et tipi) ont donc été envoyés (un de 30 kg, l'autre de 20 kg pour un coût total de 135 €, soit 34 €/personne). Ils ont mis deux semaines à arriver, sans aucun problème.

Rail and Ride aujourd’hui

L’aventure ne s’arrête pas au retour du voyage ! Aujourd’hui, nous souhaitons largement faire connaître la démarche. 2 films sont nés de nos précédents voyages. Et les comptes-rendus sont largement relayés sur internet. Nous espérons ainsi donner les clés à tous ceux qui comme nous, souhaitent partir à l’aventure en soignant leur bilan carbone !
Cet automne 2011, une association est née. Toutes les infos sur :

www.railandride.org

Un grand merci à l’ensemble de nos partenaires qui croient en notre projet :

  • L’office de tourisme de Passy
  • Interrail
  • La station des Saisies
  • Le Grand Bivouac
  • Décathlon Albertville
  • Satoriz Albertville
  • SkiRandonneeNordique.com
  • Carnets d’Aventures
  • Aventure Nordique
  • Club Alpin Français Albertville
  • Grand Nord Grand Large
  • Mountain Wilderness
  • Pyrenex
  • Pyrene Bushcraft
  • Blue Ice
  • Stebat

DVD

Commentaires
PatG - 03 févr. 2020
65 messages
Bonsoir la fine équipe,
je me prépare pour un tour dans le Sarek à partir du 26 mars. Belle aventure en perspective mais pour moi le plus compliqué reste le trajet en train. J'ai eu un contact par téléphone avec Deutsche Bahn et on m'a dit que la pulka à bord de certains trains resté à l’appréciation du contrôleur... Comment avez vous géré ce problème. Pourriez vous me donner des infos à ce sujet même si votre voyage date de 2014.
Dans l'attente
Bonne soirée
Patrick