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Extraterrestre CA45 : Ecrire son histoire...

par L'extraterrestre dans Billets et éditos 23 sept. 2016 mis à jour 14 mars 2017 855 lecteurs Soyez le premier à commenter
Lecture 4 min.

Ecrire son histoire...

Chronique publiée dans Carnets d'Aventures n°45.
Voir les autres points de vue de l'extraterrestre.

Pour se maintenir en vie on a besoin :
De respirer, de boire, de conserver une bonne température corporelle et donc se protéger des éléments (le froid, le chaud, la pluie, le vent…), de se nourrir. Non, non ce n’est pas David Manise qui est à la plume ?.
Ensuite, parce que l’humain est un animal social, il a besoin de relations avec autrui (amitié, amour…).
Et le reste, eh bien, le reste dépend de scénarios…

Scénario ?

C’est une histoire à laquelle on adhère, et cette histoire nous la créons nous-mêmes, ou bien ce sont d’autres qui nous la présentent, des proches, la société, les media… La plupart du temps elle se constitue d’un mélange de tout cela.

Un exemple : si moi, extraterrestre, je regarde un match de foot, je ne comprends rien aux règles, je vois des bonshommes courir derrière un ballon, dépenser beaucoup d’énergie, s’arrêter par moments, obéir au coup de sifflet. Je vois bien qu’il y a une chorégraphie derrière tout cela. Des règles. Je vois aussi de nombreuses personnes qui regardent ces joueurs et ont des émotions intenses selon les actions qui se jouent. Je ne suis pas touché, j’observe simplement. La différence : je ne connais pas le scénario que constituent les règles du foot, ni les enjeux. Ce scénario, les joueurs et les spectateurs le connaissent et y adhèrent, ils le partagent et vibrent ensemble car ce qui se passe sur le terrain a du sens pour eux. Certains, qu’ils soient supporters ou joueurs, consacrent une grande part de leur vie à ce scénario-là qui n’a pourtant aucun sens en dehors de lui-même. Bien sûr on peut ne pas adhérer à un scénario, nombreux sont ceux qui se foutent du foot alors qu’ils connaissent le principe. Des scénarios, il y en a légion ; la culture, l’éducation, les structures sociales, tout est histoire de scénario bâti par des groupes d’humains qui les partagent.

Quels sont donc les scénarios des voyageurs nature ? Le futur voyageur se construit un projet dans sa tête après avoir croisé des informations autour d’un pays, d’un parcours, d’une activité, informations qu’il aura glanées sur internet, dans des magazines, des livres, en rencontrant d’autres voyageurs, etc. Il se fabrique une histoire qui va le faire vibrer, qui va lui donner la motivation de préparer le voyage puis de se confronter à sa réalité, à la nature parfois brute des éléments (l’effort, le vent, la pluie, le froid, la faim…), et d’aller jusqu’au bout de l’histoire. Des scénarios il y en a des millions, des plus classiques et partagés par une multitude – comme le pèlerinage de Compostelle, le tour du Mont-Blanc, le GR 20 en Corse, rallier deux mers (par exemple la Haute Route Pyrénéenne), le chemin de Stevenson... aux plus personnels comme, au hasard, une traversée en trottinette mono-roue du Pétaouchnokstan (ndlr : c’est probablement de là que vient notre extraterrestre) ou plus réalistes comme écrire le mot « amour » sur la carte de France avec son vélo comme crayon (ndlr : cf. le périple de Philippe Jacq – un des nombreux contributeurs de ce magazine – chacunsaroute.com). Le scénario, qui peut être formulé en quelques mots ou en quelques phrases, permet le partage avec autrui. On peut expliquer ce qu’on projette, faire comprendre, transmettre, faire adhérer, faire naître le rêve dans la tête des autres.
Le scénario donne du sens, et pour avancer, le sens est un puissant moteur. Et pourtant il ne s’agit que d’une construction mentale qui aura des conséquences importantes sur la vie des voyageurs qui y adhérent. Vous avez cette force, vous humains, de vous transcender pour des idées (mais parfois aussi de faire la guerre pour elles). Avoir conscience qu’on devient le jouet d’une idée – la sienne ou celle d’autres – est important pour éviter de faire du mal, à soi ou aux autres. Les relations d’aventures qu’on peut lire sont édifiantes, on y rencontre des auteurs qui croient tellement aux histoires qu’ils se racontent qu’ils en viennent à prendre des risques insensés pour les réaliser. Les livres d’alpinisme en sont l’apothéose. Pour une idée de sommet, une première, une altitude mythique, les humains sont prêts à engager leur vie à un niveau hallucinant.
Dans ma volonté d’essayer de mieux vous cerner j’ai récemment lu le rapport* d’un jeune Canadien qui a traversé le continent nord-américain du Pacifique à l’Atlantique en kayak. L’énergie qu’il y a mise est assez stupéfiante, il n’avait pourtant aucune connaissance de l’activité mais a été bercé toute son enfance d’histoires de coureurs des bois et de canoë. L’idée de rallier les deux côtes en une saison, en sachant que ça n’avait jamais été fait, a créé en lui une vague de motivation énorme. Et c’est la complétude du projet qui faisait sens pour lui ; s’arrêter au milieu aurait été un échec, source seulement de frustration malgré les semaines de voyage dans la nature déjà effectuées et que l’on pourrait, vu de l’extérieur, considérer en elles-mêmes comme largement épanouissantes. Il a commencé par construire un premier kayak en bois, puis un second plus adapté au projet, puis il a pagayé, pagayé, porté, pagayé, porté, inlassablement, au mépris des blessures physiques dues au rythme très élevé qu’il s’imposait. Pour gagner du temps, il a coupé des baies immenses dans les grands lacs, se retrouvant très loin des côtes, parfois dans la tempête. C’est passé : il est allé au bout de son histoire et en a retiré une grande satisfaction, mais il a eu aussi de la chance…
Se souvenir que le scénario n’est qu’un scénario, qu’il peut donc être modifié en cours de route sans autre conséquence que celle de devoir adhérer à la nouvelle version, peut se révéler salutaire. L’humain est libre d’écrire son histoire, autant qu’elle soit joyeuse et pleine de bonheur…

L'Extraterrestre


* Coureur des bois d’Ilya Klvana édité chez Transboréal

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