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Extraterrestre CA44 : L’art de la critique ou l’infrastructure d’une vraie démocratie

par L'extraterrestre dans Billets et éditos 24 juin 2016 mis à jour 14 mars 2017 667 lecteurs Soyez le premier à commenter
Lecture 4 min.

L’art de la critique ou l’infrastructure d’une vraie démocratie

Chronique publiée dans Carnets d'Aventures n°44.
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Critiquer c’est bien, mais pourquoi ne pas prendre le réflexe de toujours associer une proposition constructive ?
Ce qui est frappant, en tant qu’extraterrestre, c’est de voir les humains prendre des positions tranchées, parfois radicales, voire violentes, en ne connaissant que très peu de chose sur le « dossier » en question ! Se renseigner prend du temps, demande de mobiliser des neurones, de croiser les sources d’information… alors – et c’est dommage – peu de monde le fait.
Dans ses petites interviews sur France Inter, Guillaume Meurice – qui, accessoirement, est aussi un extraterrestre d’une planète voisine de la nôtre – le fait très bien apparaître lorsqu’il demande aux personnes d’exposer leur opinion puis d’argumenter. Les positions sont toujours très marquées, franches, évidentes, et là on se dit « celui-là, il maîtrise son sujet, il sait de quoi il parle ». Pourtant lorsque Meurice demande de préciser, par exemple citer les bonnes ou mauvaises actions d’un personnage politique défendu ou critiqué, la plupart restent bouche bée, et bafouillent un « eh bien c’est évident, enfin ! Y’en a plein ! Là j’ai pas d’exemple en tête, mais ça ne manque pas », etc. ! C’est sûr qu’on ne demande pas souvent au citoyen de réfléchir, d’analyser, de pondérer, d’équilibrer, de participer aux décisions en fait, alors quand ça arrive, eh bien il reste démuni… Ce déséquilibre entre la prise de position marquée, et la connaissance ultralégère de la question devrait interpeller, non ?
La première des choses à critiquer, ne serait-elle pas son propre sens critique ? Fais-je de la critique constructive ou de l’opposition par « réflexe » ? Est-ce que je connais bien le dossier ? Que faudrait-il précisément changer ? Le remplacer par quoi ? Pourquoi cela serait-il mieux ? Mais aussi quels seraient les inconvénients de ce changement ? Etc.
Sur notre planète, critiquer est toujours assorti d’une recherche soutenue et d’une argumentation construite, de même que nous faisons des propositions d’adaptation, d’amélioration, de changement. Ces propositions sont également réfléchies, construites et argumentées. Et nous avons tous conscience que tout ce que nous proposons a forcément des points négatifs et critiquables à leur tour. Ce que nous acceptons de bonne grâce car nous avons appris à ne pas sombrer dans le débat « de personnes » où les égos s’affrontent, nous essayons plutôt de rester focalisés sur le débat d’idées.
Cette réflexion basée sur la construction collective, par l’apport de tous, la mise en parallèle de nos compétences, l’acceptation et l’écoute des arguments de chacun, permet en fin de compte de trouver une solution qui, si elle n’est pas parfaite (peut-elle l’être ?), est du moins assez optimisée et, surtout, est le fruit d’un éclairage multiple, de la collaboration de plusieurs esprits en synergie. La sensation que nous avons de participer à l’élaboration des solutions les rend aussi bien plus acceptables, et c’est d’autant plus important lorsqu’elles sont contraignantes. L’art de la critique constructive est enseigné dans nos écoles (l’éducation est pour nous une priorité absolue) dès le plus jeune âge afin d’avoir ensuite une base citoyenne productrice d’idées nouvelles, dans l’intérêt de tous. Cela a des avantages dans la vie de tous les jours, dans nos interactions, mais aussi au niveau de notre organisation politique qui est construite autour du citoyen.

J’ai atterri en France où est mis en place – comme, semble-t-il, dans nombre d’autres pays de votre planète –, un système de démocratie représentative dans lequel la fonction politique est professionnalisée . En plus de la déresponsabilisation citoyenne induite par ce modèle (outil de décision non accessible), les dirigeants, clairement identifiés, sont facilement atteignables par ceux qui auraient intérêt à faire pression sur eux (dans le pire des cas il s’agit de corruption). Cela se produit d’autant plus facilement que les citoyens sont désinformés ou endormis par des médias de masse peu scrupuleux dont l’idéal est malheureusement bien loin de l’amélioration du bien-être global. Finalement, le citoyen de ce système verse facilement dans la critique basique et systématique (mais improductive), car il n’a pas été associé aux choix, et a l’impression de subir les décisions des dirigeants dont il se sent complètement déconnecté. Pourtant, idéalement, chaque citoyen devrait être une brique constituante et active de la démocratie puisque, souvenons-nous, c’est justement le sens de ce mot (dêmos : peuple, et kratos : pouvoir). Pour cela il doit faire un effort de compréhension et d’analyse, afin d’être à la hauteur de la mission.
La démocratie participative, telle que nous l’implémentons sur notre planète, implique une masse informée et active, ainsi qu’un outil démocratique collaboratif, un peu dans l’esprit de votre Wikipédia mais dédié à la formulation d’idées, au débat (la forge), jusqu’à leur adoption sous forme de lois. À ceux qui pensent que c’est une utopie pour les Terriens, qu’ils en sont incapables, j’ai envie de répondre que ça existe déjà. Des centaines de grands projets informatiques « open source » réunissent des milliers de personnes dans un effort collaboratif souvent bénévole où il faut prendre des décisions complexes et les réaliser ensemble, et cet effort est fait dans le seul but de fournir à la collectivité des produits alternatifs de grande qualité ; ces productions collectives rivalisent avec les logiciels commerciaux des géants privés du secteur (par exemple Linux , Open Office…). La dimension massive et collaborative de l’analyse et de la prise de décision (dêmos kratos !) constitue également un puissant rempart contre la corruption et offre – de fait – un outil d’autorégulation, qui « tire vers le haut » et réduit les dérives et les inégalités.

Votre adage dit « la critique est aisée, mais l’art est difficile », on pourrait le transformer en : « la bonne critique est un art difficile ». Art qu’on a tous intérêt à savoir manier pour vivre dans un monde résultant des propositions constructives et bienveillantes de chacun…

L’Extraterrestre

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