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Extraterrestre CA 36 : Les vertus de l’inconnu

par Extraterrestre Olé Rica dans Billets et éditos 07 juin 2014 mis à jour 14 mars 2017 806 lecteurs Soyez le premier à commenter
Lecture 3 min.

Les vertus de l’inconnu

Chronique publiée dans Carnets d'Aventures n°36.
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Cette année j’ai décidé de partir marcher seule dans un coin reculé où je n’étais jamais allée. Mon expérience de randonnée itinérante se limite à trois jours sur un sentier balisé et bien parcouru, le reste du temps je randonne à la journée uniquement. Je n’étais jamais partie seule. Les préparatifs ont été intenses et m’ont occupée jusqu’à la dernière minute. Dans le train, l’excitation du départ est retombée petit à petit pour faire place à un sentiment trouble : contente de partir, j’étais cependant assaillie de doutes. L’angoisse m’a peu à peu envahie : allais-je être capable de marcher seule plusieurs jours d’affilée ? Le chemin serait-il facile à trouver ? Comment faire si je me casse une jambe et que personne ne vient à mon secours ? Suis-je suffisamment préparée ? Ne suis-je finalement pas inconsciente des risques que je prends ? N’ai-je pas fait preuve d’un excès de confiance en moi ?
Alors que le train repart et me laisse seule sur le quai de la gare, je m’aperçois que j’ai oublié mon petit sac d’appoint dans lequel j’avais ma gourde et toutes mes affaires de toilette et la pharmacie. Catastrophe ! Tout s’écroule, ça y est, c’est un signe que je suis mal préparée à ce voyage, que j’ai été trop présomptueuse. Y vais-je ou pas ? Qu’est ce qui est le plus raisonnable ?
Je m’assois sur le bord du quai le temps de remettre mes idées en place. Si je renonce, ce n’est pas compliqué, il y a un train dans une heure dans le sens inverse. Et puis ça me donnera le temps de voir mes amis que je vois toujours en coup de vent, de lire, d’aller voir ce concert que j’étais déçue de rater. Si je persévère, je ne sais pas ce qui m’attend mais je sais que j’avais envie de faire cette marche seule. Pourquoi ? Parce que j’ai la sensation que je vais y découvrir quelque chose. Quoi ? Je ne sais pas. Si je résume : d’un côté je sais ce qui m’attend et de l’autre je sais que c’est l’inconnu. Dilemme. Ma raison me dit de faire demi-tour. Cette fois, j’écoute mon cœur et décide de continuer malgré tout. Je trouve la petite épicerie du coin et achète une bouteille d’eau qui me servira de gourde, du paracétamol, un savon et des pansements, le minimum. Finalement le sac perdu est vite remplacé. Ouf, je reprends confiance et mets mon sac sur le dos. Maintenant il faut y aller, plus question de faire demi-tour.

Une semaine plus tard, me revoici sur le même quai, j’ai complètement oublié cette histoire de sac ! J’ai l’impression de ne plus vraiment être la même personne qu’il y a une semaine. J’avais dû me battre avec moi-même pour faire le premier pas, j’avais peur de ce qui m’attendait. La première heure, j’avais du mal à avancer tant le poids de mes doutes m’assaillait. Mais alors que je pique-niquais sur le bord d’un ruisseau, un renard est apparu au loin et semblait m’observer, cette vision m’a rassurée, j’avais l’impression qu’il m’autorisait à pénétrer dans son monde. Le premier soir, je tremblais en montant ma tente, je me réveillais toutes les heures pour m’assurer que je n’entendais aucun bruit et chaque bruissement de feuille me faisait sursauter. Le lendemain, épuisée par ma journée de marche, j’ai dormi comme une pierre. Cela m’a donné confiance et j’ai dormi chaque nuit suivante sur mes deux oreilles, persuadée que la nature m’avait acceptée. Il m’est arrivé de rencontrer d’autres randonneurs, nous nous échangions des informations sur les chemins parcourus, sur les meilleurs lieux de bivouac. Nous partagions parfois un repas, tout était simple. Les moments que je préférais étaient ceux qui suivaient l’installation de la tente : je profitais des derniers rayons de soleil, observais la nature environnante tout en noircissant les pages de mon carnet. Je me sentais totalement à l’aise et sereine. J’avais l’impression que mes facultés d’adaptation étaient décuplées : je surmontais sans peine toutes les petites tracasseries (un lacet qui rompt, la semoule ratée, une belle égratignure lavée et soignée…). Je me découvrais !
C’est donc ça l’aventure ! Partir sans savoir à l’avance ce que l’on va rencontrer, ce qu’il va se passer mais en sachant qu’on rentrera différent. Si je n’avais pas pris le taureau par les cornes, jamais je n’aurais pu vivre tout cela. J’ai réussi à surmonter ma peur de l’inconnu et cela m’a ouvert de nouveaux horizons ! J’ai maintenant envie de partager ce sentiment de liberté et je sais que dès que j’aurai besoin de me ressourcer, il faudra que je parte marcher seule. Je m’imagine maintenant beaucoup plus facilement partir faire le tour du monde, alors qu’avant cela me semblait impossible. La prochaine fois, je ressentirai certainement cette même angoisse mais je saurai que cette peur est saine car elle me permettra de ne pas m’engager imprudemment dans l’aventure, et surtout qu’elle annoncera certainement une expérience enrichissante.

Olé Rica !

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