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Extraterrestre CA 29 : Crise ou âge d'or ?

par SilexA U’aielor dans Billets et éditos 07 sept. 2012 mis à jour 14 mars 2017 2019 lecteurs Soyez le premier à commenter
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Crise ou âge d'or

Chronique publiée dans Carnets d'Aventures n°29.
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Sandrine et Valentin ont trente ans, un enfant, bientôt un deuxième, ils viennent d’acheter un pavillon à crédit, ils travaillent et à deux gagnent 4 000 € par mois, mais ils n’envisagent pas l’avenir avec sérénité. Ils estiment qu’avec 4 000€ par mois, ils ne peuvent pas mettre suffisamment d’argent de côté pour un éventuel coup dur. Ils pensent que le risque qu’ils perdent leur emploi un jour n’est pas négligeable. Ils ne sont pas sûrs de pouvoir se financer une retraite confortable. Ils ne sont pas déprimés, mais ils ne sont pas optimistes non plus car tous les jours, du matin au soir, à la télé, à la radio, dans la presse, ils écoutent, ils voient, ils respirent la crise. Les trentenaires entendent parler de crise depuis qu’ils sont nés. Depuis la fin des Trente Glorieuses, il y a plus de trente ans maintenant, les médias parlent de crise.

Cette situation n’est pas spécifique à la France, on la retrouve dans presque tous les pays développés d’Europe Occidentale et d’Amérique. Le problème n’est pas que la situation actuelle est précaire (même si elle l’est pour un certain nombre d’entre nous), c’est surtout qu’avec les grands chamboulements du XXIe siècle (la mondialisation, le changement climatique, le vieillissement de la population…), de fortes incertitudes pèsent sur notre avenir. Or le bonheur est une notion relative : si une personne n’est pas sûre d’être au moins aussi heureuse à l’avenir que maintenant, elle ne peut pas être vraiment heureuse aujourd’hui.

Une étude menée en 2011 dans le monde entier par l’université américaine de Columbia1 montrerait que les Français sont particulièrement pessimistes, encore plus que leurs voisins européens. La question posée était simple, il fallait y répondre par une note de 1 à 10 : « En tenant compte de l’ensemble des aspects de votre vie, considérez-vous que vous êtes heureux ? »

Les Français arrivent en 23e position, derrière les habitants du Costa Rica, du Venezuela, d’Israël et de Panama par exemple, des pays pas forcément réputés pour leur qualité de vie !

Suzette et Gaston ont trente ans aussi, ils voyagent à pied et à vélo depuis un an et demi. Sur leurs comptes en banque, ils ont chacun quelques milliers d’euros, les reliquats des années où ils travaillaient en France. Au jour le jour ils dépensent tellement peu qu’ils pourraient avec cette somme d’argent voyager encore plusieurs mois ou même beaucoup plus. Ils ne savent pas précisément quand ils vont rentrer d’ailleurs. Pour l’instant ils consacrent toute leur énergie à leur voyage : les kilomètres défilent lentement à la force de leurs jambes et malgré les longs mois sur les routes, ils parviennent encore à s’émerveiller comme au premier jour quand un inconnu les invite à manger et à dormir chez eux, quand, d’un paysage pourtant semblable à tant d’autres, émane une beauté particulière. Ils sont dans une situation mille fois plus précaire que Sandrine et Valentin et pourtant ils ont une confiance totale en l’avenir.

Sans forcément le savoir, Suzette et Gaston suivent à la lettre les conseils d’un philosophe grec bien connu, Épicure. Car être épicurien ce n’est pas rechercher le plaisir facile, bien au contraire, c’est apprendre à recentrer sa vie autour des choses qui nous rendent réellement heureux, à se satisfaire de peu en termes de confort matériel pour pouvoir se consacrer pleinement à l’essentiel : le bonheur profond que peuvent nous procurer certaines relations humaines ou le contact intime avec une nature sauvage par exemple. Suzette et Gaston pratiquent une espèce d’épicurisme moderne qui les met à l’abri des aléas liés à l’avenir de notre société: leur bonheur futur ne dépend pas d’une éventuelle reprise de l’économie, de facteurs extérieurs sur lesquels ils n’ont aucune influence, mais d’eux-mêmes, de leur faculté à aimer leurs proches, à se lier d’amitié avec des inconnus, à se sentir bien dans la nature, à réussir à vivre correctement avec peu d’argent, finalement de qualités dont ils sont sûrs qu’ils disposeront toujours.

Dans le sondage dont les résultats sont présentés dans ce numéro, il manquait d’ailleurs la question essentielle : « Êtes-vous heureux ? » Il y a fort à parier que la moyenne des lecteurs de Carnets d’Aventures aurait été largement au-dessus de la moyenne des Français !

Alors quand nous revenons d’une aventure de quelques jours ou de quelques années, que nous avons senti le bonheur profond de la liberté totale sur une planète si belle et si variée, nous avons peut-être un rôle à jouer à notre retour : utilisons notre bouclier de joie et d’enthousiasme pour contrer la morosité ambiante ! Allons secouer les râleurs et les fatigués de la vie, distillons dans notre cercle restreint de parents et d’amis l’allégresse qui bouillonne dans nos cœurs encore longtemps après notre retour ! Car la bonne humeur, comme le pessimisme, sont des états d’esprit hautement contagieux. Nous ne vivons pas dans le meilleur des mondes certes, mais il est possible d’être à la fois « indignés » et heureux, optimistes sans être égoïstes, et c’est probablement la meilleure manière d’avoir une action constructive pour faire évoluer les choses dans le bon sens. Pour contrer les grands discours fatalistes, agissons localement, nos voyages nous ont donné tellement d’idées !

Et si, à l’opposé des discours moroses que nous écoutons toute la journée, nous vivions actuellement un âge d’or ? Vaste débat… Mais en résumé, il est clair que globalement dans le monde aujourd’hui, le niveau de vie n’a jamais été aussi élevé, le nombre de guerres et d’atteintes aux droits de l’homme n’a jamais été aussi bas, etc. Essayons de comparer notre génération à la précédente, celle du baby-boom, de cette soi-disant époque dorée des Trente Glorieuses : nos pères travaillaient souvent beaucoup plus que nous avec pour récompense un bien maigre épanouissement personnel, nos mères étaient encore largement accaparées par les tâches ménagères et l’éducation des enfants.

Notre génération, au sens large, celle qui est en âge de travailler, a la possibilité de ne plus centrer toute sa vie sur le travail et l’éducation des enfants grâce à la libéralisation des mœurs et l’augmentation du niveau de vie. En conséquence, nous voyageons beaucoup plus que nos parents et peut-être beaucoup plus aussi que nos petits enfants, sauf ceux qui voyageront sans pétrole ! Nous changeons de travail souvent plusieurs fois dans notre vie, pas forcément pour trouver une plus grande stabilité et une meilleure rémunération, mais plutôt dans une optique de recherche de développement personnel. Nous n’avons jamais été aussi libres de nous épanouir à notre guise dans un monde en changement, forcément captivant, alors réjouissons-nous !

Et rappelons-nous nos classiques. Épicure, Montaigne et Voltaire nous avaient déjà dit l’essentiel : les voyages forment la jeunesse et continuent de nous former toute notre vie, l’essentiel étant, ici ou là-bas, de ne jamais cesser de cultiver notre jardin.

1 :  http://www.earth.columbia.edu/articles/view/2960

 

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